Intervention d’Alexis Jolly – 20 décembre 2018
Rapport n° 2559
Le 20 décembre 2018, en Assemblée plénière du Conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes, Alexis Jolly a critiqué la politique désastreuse de Laurent Wauquiez (LR) en matière d’achat de manuels scolaires :
Monsieur le Président et chers collègues,
“Je m’engage si je suis élu à revenir sur le choix qui a été fait par la majorité socialiste de recourir à une politique d’achats groupés pour les livres scolaires. Je propose que la politique actuellement mise en place pour les livres en Région Rhône-Alpes soit étendue à l’ensemble de la Région.” Cette promesse est celle que vous avez formulée, Monsieur le Président, dans une lettre à destination des libraires avant les élections régionales de 2015. WAUQUIEZ l’a dit, WAUQUIEZ a menti. C’est derrière un titre tape-à-l’œil que vous démontrez votre incohérence pour ne pas dire votre malhonnêteté. Un titre dont à première vue évidemment personne dans cette assemblée ne peut s’opposer à l’objectif affiché de la gratuité des manuels scolaires.
Le procédé que vous voulez mettre en place est pourtant critiquable à bien des égards, ll consiste comme dans toutes les Régions de France où cette décision a été appliquée à favoriser les grossistes de livres souvent hors Région pour la distribution gratuite des manuels scolaires puisque la plupart des librairies indépendantes ne sont pas en mesure de remporter le système d’appel d’offres.
Alors favoriser les plus gros, pénaliser les plus faibles, voilà qui entre en contradiction parfaite avec l’homme qui inventa un plan de soutien au commerce de proximité, que du reste nous avons soutenu, mais dont les conséquences certaines sont la fermeture de dizaines de librairies indépendantes et la suppression de dizaines d’emplois.
Alors déjà touchés de plein fouet par les politiques locales de piétonisation ou de la chasse des voitures ou encore de l’explosion du prix du stationnement, etc., les libraires et plus largement les commerces sont les victimes des grandes enseignes et du commerce en ligne car, Monsieur le Président, ne nous y trompons pas: les manuels scolaires sont d’une importance capitale pour les libraires, pour lesquels le chiffre d’affaires représente 15 à 25 % et que l’acheminement direct de ces manuels scolaires dans les lycées représenterait une perte immédiate.
Au-delà de la disparition des ventes d’achat de manuels scolaires, ce sont aussi les articles parascolaires, de la papeterie, de la fourniture scolaire, de ces achats additionnels, qui seront un manque-à-gagner pour les commerçants.
Alors comment se résoudre à l’heure du numérique et des écrans qu’une grande partie de la jeunesse, qui entrait souvent dans une librairie pour la première fois de sa vie à l’occasion de l’achat des livres scolaires, fuit définitivement ces lieux de culture, d’apprentissage et de construction personnelle ?
Ce rapport n’a rien d’innovant même en période de budget réduit. Monsieur le Président, à la réalisation d’économies sur le dos du commerce de proximité, nous répondons: choix politique. Nous préférerons financer la gratuité des livres scolaires du tronc commun et des consommables à 100 % sur la présentation des justificatifs d’achat ou en augmentant le budget du Pass’Région plutôt que de priver les libraires de 30 M€.
À titre d’exemple, la Région PACA a adopté ce même principe de financement des livres scolaires et cela a été immédiatement la fermeture de 20 % des librairies.
D’autres librairies en Auvergne déclarent ne faire aucun bénéfice ni aucune marge et rendent simplement un service à la Région. En effet, la rentabilité des librairies est en moyenne inférieure à 1%. C’est la plus faible du commerce de détail.
À Grenoble, déjà victime des politiques délirantes de l’alliance vert-rose-rouge, la librairie Gibert prévoit la suppression d’un poste sur 15 salariés qu’elle compte. À Saint-Étienne, ce sont quatre emplois qui sont sur la sellette à la librairie de Paris. Et ces exemples sont multiples dans tout le territoire rhônalpin.
Monsieur le Président, vous qui avez annoncé votre volonté de défendre les commerces de proximité et qui avez promis de revenir sur le système d’achats groupés, vous devez honorer votre parole.
Notre groupe défend la gratuité des manuels scolaires pour les familles, C’est pour cela que nous proposons notamment d’augmenter le budget du Pass’Région pour l’achat des livres scolaires, Notre groupe votera contre cette délibération compte tenu des conséquences financières et humaines évidentes pour les librairies qui se profilent avec l’adoption de ce rapport.
Le Rassemblement National ne s’associera pas à la fermeture en série des librairies indépendantes et des emplois qui en découlent pour un secteur en souffrance qui mérite notre soutien sincère, loin des trahisons électorales. Je vous remercie.
Explication de vote de Vincent Lecaillon :
Monsieur le Président,
Certes, ce rapport est une avancée, dans la mesure où la gratuité des manuels pour les parents et les élèves est une très bonne chose mais également une avancée vis-à-vis des libraires avec l’amendement qui a été retenu.
Néanmoins, nous pensons que le système qui était le nôtre était un bon système: la carte M’RA jadis et la carte Pass’Région aujourd’hui. Aujourd’hui, tous les lycéens ont cette carte. L’outil informatique est important et permet de passer à cette gratuité sans forcément monter une usine à gaz, comme vous êtes en train de le faire.
Les inquiétudes sur des petites librairies ne sont pas levées du tout, pour nous. Nous avons un doute, en particulier sur le périmètre d’allotissement, par exemple, C’est bien beau de dire que nous allons faire un périmètre d’allotissement territorialisé sur des bassins de vie, mais un bassin de vie peut être très vaste, Nous avons quelques interrogations là-dessus.
À ta timite, avec cette usine à gaz, il y a aussi un acteur auquel vous n’auez pas pensé ou très peu pensé : ce sont toutes les associations de parents d’élèves, les coopératives, qui font du réapprovisionnement, des commandes, de la distribution. Dans ce mécanisme de gestion, ces petites structures lycéennes vivent et après elles permettent avec les adhésions qui
arrivent des élèves, parce que les parents comme les élèves ont besoin de ces structures, d’offrir au sein des établissements d’autres services: d’aide sociale, d’aide aux voyages, etc. Nous en avons déjà discuté.
Avec votre nouveau système, nous avons des inquiétudes sur la vie de ces structures, Donc oui à la gratuité mais nous avons un doute sur les moyens. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.