Intervention de Christophe Boudot, président du groupe FN – 29 novembre 2017
Rapport n° 1032
En Assemblée plénière auvergnate et rhônalpine du 29 novembre 2017, Christophe Boudot, président du groupe FN, a annoncé un vote CONTRE le budget primitif 2018 de Lauren Wauquiez pour manque de confiance politique :
Monsieur le Président, Monsieur le vice-président Blanc, Mesdames, Messieurs,
“Vous êtes chez vous…, chez nous…”, ce slogan librement inspiré du dernier slogan de la Région, n’a jamais été aussi actuel et la présentation de votre troisième budget ne dérogera pas à la règle, tant vous êtes en quelques sorte « chez vous chez nous ». Oui, le dynamisme de votre vice-président aux finances a mis la Région sur de nouveaux rails, nouveaux rails qui empruntent opportunément la route que le Front national trace ici depuis 30 ans.
Avant d’aborder les éléments financiers de votre budget, permettez-moi d’autres considérations liminaires.
Voter un budget est tout sauf anodin. C’est l’acte politique par excellence. En l’espèce, je vois deux critères principaux à prendre en compte dans le fait de voter ou de ne pas voter votre budget :
- d’abord, l’efficacité des budgets antérieurs qui se mesurent véritablement lors de la présentation du compte administratif ;
- ensuite, la cohérence politique et idéologique de l’équipe qui le porte et de son président.
C’est vrai, vous avez tout à fait raison de le rappeler que l’Etat ne cesse de réduire son engagement auprès des collectivités territoriales. Pour les Régions, il se désengagera en 2018 de 450 millions d’Euros, dont 62 millions pour la seule Région Auvergne – Rhône-Alpes. Mais si vous avez beau jeu de le dénoncer, en vérité, êtes-vous vraiment légitime à le faire ? Je ne poserai qu’une seule question :
Qui incarne l’Etat aujourd’hui, en France ? Un homme : Emmanuel Macron que l’ensemble de votre majorité a fait élire contre Marine Le Pen il y a 6 mois.
Qui incarne également l’Etat aujourd’hui si ce n’est un Premier Ministre , Edouard Philippe, et un Ministre de l’économie et des finances, Bruno Lemaire, personnalités qui il y a encore quelques mois soutenait, comme vous et avec vous, le candidat LR dans sa course folle vers l’abime. Monsieur le président, en tant qu’ancien ministre et parlementaire, vous ne pouvez-vous exonérer de toute responsabilité quant à la situation financière de notre pays et sur ses conséquences directes : le traitement brutal qui est réservé aux collectivités territoriales.
Abordons maintenant votre budget prévisionnel. A sa lecture, il apparaît d’abord que vos ambitions en matière de dépenses de fonctionnement sont nettement revues à la baisse. Vous annoncez pour 2018 une baisse de 50 millions alors qu’elle était en 2017 de 75 millions et en 2016 de 130. Le coup de rabot est encore bien présent, je vous l’accorde, mais il se fait plus discret. La baisse nominale de la dépense publique n’induit pas pour autant d’avoir changé les politiques régionales.
Or à la vérité, c’est bien en changeant le logiciel des politiques régionales que vous retrouverez de nouvelles marges de manœuvre et non en corrigeant un budget socialiste qui faisait la part belle au fonctionnement, aux subventions clientélistes de toute nature et aux frais généraux largement consentis. Un exemple : vous soutenez encore l’art contemporain spéculatif par de l’argent public donné aux FRAC, au FRIC-FRAC. Je ne me permettrai pas de juger de la valeur d’une œuvre d’art, ce n’est pas mon rôle, mais une véritable transformation de la politique culturelle régionale vous conduirait à faire des choix plus efficaces au profit du patrimoine enraciné et de l’aide à la musique, le théâtre ou la danse vivantes et populaires.
Ensuite, contrairement à ce que l’on entend ici ou là, vous n’avez pas baissé la fiscalité directe pour tous les habitants de notre région. Votre budget confirme que vous avez un pouvoir de décision inférieur à 9 % des recettes de fonctionnement. Pour la carte grise, dont le produit rapportera environ 270 millions d’euros, vous avez simplement aligné le prix Rhône-Alpes sur celui de l’Auvergne. Quant au taux de la TICPE, vous l’avez conservé à son plus haut niveau, comme le faisait avant la gauche.
Pour être juste, nous saluons tout de même la baisse continue des dépenses de fonctionnement, l’amélioration de l’épargne brute, donc de l’autofinancement de la Région qui, en s’établissant à hauteur de 531 millions, vous donne de nouvelles marges de manœuvre pour investir. Investir en dépassant le milliard, c’est retrouver l’ADN de cette Région qui n’est autre qu’une collectivité d’investissement eut égard à ses compétences fortes liées aux transports, aux lycées et à l’aménagement du territoire.
Mais enfin, à cet égard et à bien y regarder, vos orientations en matière d’équipement, sont moins ambitieuses qu’il n’y paraît. D’abord, vous nous resservez de manière ronflante et emphatique votre plan qualifié de plan Marshall des lycées. A cet égard, et notre collègue le professeur Lecaillon vous le rappellera tout à l’heure, la construction de quatre lycées supplémentaires apparaît parfaitement insuffisant au regard des projections démographiques à horizon 2020/2025.
Il en va de même pour votre budget consacré à l’agriculture. Je faisais déjà la remarque à votre prédécesseur : ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux, même si vous profitez de l’aubaine des fonds européens. Où est le grand plan de soutien à nos filières d’excellence ?
De même, vous continuez à vous entêter à vouloir financer le projet pharaonique et ruineux du Lyon-Turin qui coutera plusieurs dizaines de milliards au contribuable et ne réglera pas tous les problèmes de la vallée de l’Arve.
Enfin, votre ambition en matière d’apprentissage est bien plus faible, que dans d’autres régions et en annonçant la création de 1500 contrats par an vous manquez d’ambition alors qu’il faudrait là, oui un véritable plan prioritaire et d’envergure pour l’emploi des jeunes, un grand plan pour l’alternance en général. A titre d’exemple, la Région PACA de vos amis Estrosi et Muselier, en retard aussi sur l’apprentissage en créent, eux, plus de 3 000 par an depuis 3 ans.
Abordons aussi, c’est très important le critère de votre sincérité et votre gouvernance. Vous reprenez, je ne cesserai jamais de le redire, l’essentiel d’un projet que nous avons toujours défendu, mais êtes-vous vraiment dans la sincérité ? Où est votre cohérence lorsque, mois après mois, vous refusez méthodiquement de prendre en compte nos différents amendements pourtant parfaitement pertinents, qu’ils soient portés par le docteur Delacroix pour la santé, Bruno Desies pour la francophonie ou l’action internationale, Muriel Burgaz pour la formation et l’apprentissage ou d’autres élus, amendements de grande qualité que vous balayez à chaque fois d’un revers de main, de manière sectaire et politicienne car ils viennent du FN ?
Ou peut-être la confiance ? Lorsqu’à l’occasion du renouvellement de la commission permanente en septembre dernier, vous faites revoter l’assemblée alors que les résultats du scrutin étaient très clairs et auraient dû être entérinés. Mon groupe a saisi le conseil d’Etat sur cette affaire et je ne doute pas qu’il lui donnera raison car en l’espèce, vous avez pris le risque d’annuler une élection normalement tenue pour ne pas avoir à en reconnaître le résultat qui laissaient manifestement apparaître un éparpillement des voix de votre camp et la perte d’un siège au profit du Front national, et cela dans le cadre de votre campagne des LR ! Cela, vous était insupportable !
Le problème, Monsieur le Président, c’est qu’ici dans notre Région, vous êtes en campagne permanente. Combien y a-t-il aujourd’hui de membres de votre cabinet qui travaillent un peu, beaucoup, passionnément pour votre campagne ? Certains travailleraient-ils déjà pour l’élection présidentielle de 2022 ? D’aucuns ne le disent, je n’irai pas jusque-là.
En conclusion, ce budget, même s’il va incontestablement dans le bon sens, même si Etienne Blanc s’attaque à la dépense publique, redresse les investissements et commence à désendetter la Région, il n’en demeure pas moins que votre attitude, Monsieur le président, votre manque de sincérité idéologique et de cohérence politique entache directement votre action régionale.
La Région attend de vous d’être un président et je n’ai de cesse d’entendre dans votre bouche les mots d’un candidat, la Région c’est bon pour vous et bon pour vos ambitions, mais votre action à la tête de la Région est-elle finalement bonne pour tous les Rhônalpins ?
Voter un budget c’est aussi voter la confiance.
La confiance ça ne s’écrit pas, ça ne se décrit pas, ça se ressent. On a ou on n’a pas confiance. Monsieur le président, nous n’avons pas confiance, et mon groupe devenu le premier groupe d’opposition de cette assemblée votera donc contre votre budget.
Je vous remercie.