Lettre recommandée avec AR.
Monsieur le Président,
Le 17 mars dernier, notre Assemblée a pris connaissance du rapport accablant de la Chambre régionale des comptes au sujet de la gestion de la Villa Gillet. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons déclaré et écrit à ce sujet. Mais lors de notre intervention, nous vous avions demandé, Monsieur le Président, de cesser immédiatement tout versement à cette structure, et de porter cette affaire en justice, au nom de la Région, puisque vous aviez ici-même manifesté publiquement votre condamnation des pratiques de la Villa Gillet. Un mois après, force est de constater que vous n’avez rien entrepris, malgré des faits qui pourraient évoquer l’abus de biens sociaux, l’abus de confiance et l’escroquerie.
En effet, selon l’article 313-1 du code pénal, « l’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. »
En l’espèce, on découvre dans le rapport de la CRC (p 31 à 44) des pratiques comptables dont la jurisprudence a déjà fait application au travers de la notion « d’escroquerie au bilan », consistant à établir une comptabilité et un bilan trompeurs pour se faire octroyer des avantages. On lit par exemple, pêle-mêle, des observations telles que :
– « L’association valorise en annexe de ses comptes les locaux de la ville de Lyon qu’elle occupe à titre gratuit à hauteur de 58 k€ par an. La valeur locative du bien est estimée à 135 k€ par an par la ville de Lyon… » (p 33 para 2)
– « L’association a inscrit en charges d’exploitation des achats de biens qui n’auraient pas dû y figurer mais auraient dû entrer à l’actif de l’organisme… Cette pratique totalement irrégulière tend à minorer les immobilisations de l’association et donc à donner une image erronée de son patrimoine » (p 33 para 5 et 6).
– « Ainsi en 2012 et 2013, les éléments d’information annexés aux comptes de l’association mettent en évidence, à la clôture de l’exercice, un besoin en fonds de roulement respectivement de 418 k€ et 254 k€ alors que, en tenant compte des éléments précités, le besoin en fonds de roulement est négatif de 804 k€ et 356 k€. Il correspond donc non plus à un besoin mais à un excédent de ressources à court terme ». (p 35 para 5)
– « L’association a donc bien perçu qu’elle bénéficiait de ressources importantes et supérieures à ses besoins de l’année, lui permettant de constater cet amortissement exceptionnel. Elle aurait dû appliquer la méthode règlementaire précisée ci-avant…. La pratique irrégulière de l’association a permis de minorer de façon significative le résultat d’exploitation de l’exercice 2012. » (p 37 para 3 et 4)
– « La chambre a retraité le bilan de l’association afin d’y faire apparaître la valeur des immobilisations, dans la limite des éléments connus et en considérant une durée d’amortissement uniforme de trois ans. Il en ressort que son actif immobilisé, fin 2013, est sept fois plus important que ce que ses comptes laissaient apparaître ». (p 41 dernier para)
– « La chambre relève que lorsqu’on retraite l’exercice 2013 des opérations comptables en matière de dotations aux amortissements et provisions, le résultat de l’exercice 2013 s’établit à 120,4 k€ et non à 36,22 k€. » (p 42 para 3)
– « …L’analyse des comptes montre que l’association a perçu des subventions publiques supérieures à ses besoins annuels, ce qui lui a procuré au cours de la période une aisance financière… ». (p 44 para 1)
– « L’analyse des comptes démontre que l’association a perçu des subventions publiques supérieures à ses besoins annuels, ce que des opérations comptables irrégulières ont pu masquer. Le retraitement des données en cause montre une situation financière plus favorable que celle affichée… » (synthèse p 4 par 5)
On trouve donc dans le rapport des agissements susceptible de caractériser le délit d’escroquerie dans son élément matériel.
Nous nous interrogeons, Monsieur le Président, sur la nature des infractions constatées, une partie d’entre elles semblant, peut-être, pouvoir relever des juridictions pénales.
Ces suspicions d’infractions pénales portées à votre connaissance vous font donc obligation, Monsieur le Président, en vertu de l’article 40 du Code de procédure pénale (CPP) de procéder à un signalement auprès du Procureur de la République.
Nous serons très attentifs, Monsieur le Président, à la suite que vous donnerez à cette obligation légale qui est la vôtre désormais, en tant qu’autorité constituée au sens de l’article 40 du CPP, de procéder à ce signalement auprès du Procureur de la République maintenant que nous vous alertons publiquement sur une suspicion d’infraction pénale.
Nous vous rappelons enfin, Monsieur le Président, que les associations bénéficiant de subventions publiques relèvent de règles strictes notamment en matière d’établissement et de publication des comptes, et sont soumises à des procédures de contrôle notamment par les collectivités publiques octroyant les subventions, qui ont la possibilité d’en demander la restitution au cas où l’aide reçue n’a pas reçue l’emploi auquel elle était destinée (art L 1611-4 CGCT, art 43 loi du 12 avril 1996 IV).
Dans l’attente de ce signalement au Procureur de la République, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de notre vigilance toujours soucieuse des intérêts de la Région et de ses habitants.
Le Président du Groupe Front National
Région Auvergne Rhône-Alpes.
Christophe BOUDOT,