Intervention de Pierre Comet – 11 décembre 2014
Rapport n° 14.02.638 : Schéma rhônalpin de développement du service public de l’orientation tout au long de la vie
Rapport n° 14.02.639 : Création et composition du jufy de sélection des opérateurs de conseils et assistance renforcée en validation des acquis de l’expérience (VAE) dans le cadre du service public régional de la formation (SPRF)
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers,
Les rapports qui viennent de nous être présentés avant d’être soumis à notre vote, traitent de deux sujets importants :
– l’orientation tout au long de la vie,
– la validation des acquis de l’expérience.
Ces thèmes sont abordés sur un plan purement technocratique :
– définition du schéma présidant à l’organisation d’un système de Service Public Régional de l’Orientation tout au long de la vie (SPRO),
– la mise en place d’un jury de sélection dans le cadre de la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) composante du Service Public Régional de la Formation (SPRF).
Notre vote sur ces rapports sera négatif, et voici pour quelles raisons.
On peut comparer le parcours professionnel d’un individu au vol d’une fusée balistique à plusieurs étages. Le premier étage donne l’impulsion initiale, fait décoller l’engin et l’amène aux franges de l’atmosphère. Là, le second puis le troisième étage fournissent l’accélération de vitesse nécessaire au type de mission choisie : jusqu’à 11,2 km/s pour une satellisation autour de la terre, au moins 16,6 km/s pour s’échapper du système solaire.
Cependant, pour la réussite de la mission, une fois cette vitesse initiale acquise, le vaisseau embarqué devra constamment corriger sa trajectoire et son assiette à l’aide de petits propulseurs.
Le premier étage, c’est la formation initiale, l’école primaire. Le second et le troisième étage ce sont le collège, le lycée, la formation professionnelle et l’enseignement supérieur.
La formation tout au long de la vie et la validation des acquis de l’expérience constituent les petits propulseurs, qui n’ont pourtant de petit que le nom : en effet, une judicieuse correction de trajectoire peut permettre de récupérer une énorme accélération en utilisant l’effet de fronde gravitationnelle obtenu en frôlant une planète.
L’équipe dirigeant le Conseil Régional nous fait ici statuer sur l’organisation des petits propulseurs, leur nombre, leur position, leur carburant, alors que dans le même temps, des membres de la même équipe politique, sont en train de saboter le premier étage de la fusée. Ils le rendent incapable même de se soulever de terre, en mettant en pratique dans les écoles primaires toutes les utopies gauchisantes possibles.
Depuis des années, sous la droite comme la gauche d’ailleurs, on demande à l’école de travailler à déconstruire la culture générale, en assimilant cette dernière, pour l’essentiel, à un ensemble de stéréotypes xénophobes, sexistes ou homophobes.
L’école voit donc sa mission renversée: elle ne doit plus transmettre la culture, mais empêcher sa transmission. Il faudrait libérer l’enfant d’une culture adulte toxique, et miser sur son authenticité pour créer une nouvelle culture sans aliénation, délivrée d’une mémoire pesante et pathologique.
La nouvelle pédagogie engagée ne vise pas simplement à proposer des techniques plus fines d’évaluation, comme on voudrait le faire croire aux parents. Il s’agit plutôt de révolutionner la mission de l’école, pour qu’elle serve non plus à la transmission culturelle, mais bien à la fabrication d’une société nouvelle formée dans la matrice de l’égalitarisme radical.
Le dernier mauvais coup porté à l’école est la suppression des notes et leur remplacement par des “gommettes” de couleur s’appliquant à des items de compétence. Les résultats en seraient sensiblement améliorés en lecture comme en écriture. Comment expliquer ce miracle de la pédagogie moderne ?
Il suffit, à cet effet, de choisir soigneusement les items, de les multiplier et de les mettre à égalité. Certaines compétences, pourtant bien plus importantes que d’autres, se trouvent ainsi “horizontalisées”, minorées : la « concordance des temps » vaut bien autant que «l’orthographe » : commode pour celui qui ne maitrise que le présent. Les items eux-mêmes laissent perplexes : ainsi « faire des phrases courtes » est considéré comme une compétence de rédaction en « français correct » : l’inverse serait pourtant attendu ! Et, naturellement, on observe ensuite que les « phrases courtes » sont « bien construites » : le contraire eût été étonnant.
Bref, l’évaluation par compétences, censée être plus rigoureuse et plus lisible, a ici pour principale fonction de masquer le naufrage. Celui-ci est pourtant flagrant, dans tous les domaines.
En lecture par exemple : le taux des élèves ne sachant pas lire à l’entrée en 6e – au sens où le déchiffrement ne s’accompagne pas de compréhension – est allé croissant depuis une dizaine d’années : on a tenté d’en minimiser le chiffre, on reconnaît maintenant qu’il avoisine les 20 %. D’après certains professeurs et principaux de collège, ce chiffre ne fait que croître dans les années qui suivent, il est de près d’un tiers en 3e.
Selon les chiffres obtenus dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté en 2013, 18% des jeunes ne maitrisent pas les apprentissages fondamentaux de la langue française.
Les acquis en lecture sont très fragiles pour 9,6 % de jeunes de 17 ans qui, faute de vocabulaire, n’accèdent pas à la compréhension des textes. Les jeunes les plus en difficulté, 4,1 % de l’ensemble peuvent être considérés en situation d’illettrisme, selon les critères de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme.
Rappelons aussi que près de 150 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire en situation d’échec scolaire.
Cette situation est gravissime car elle prive les moins favorisés d’un moyen d’accès à la connaissance pourtant économique et performant. Comment des illettrés pourront se former et s’orienter dans leur vie professionnelle (ou de chômeurs) ?
Leur acheter des tablettes ou autres gadgets numériques ne fera rien à l’affaire malgré l’engouement de notre ministre de l’éducation nationale pour cette nouvelle lune.
Un détail révélateur de l’inefficacité d’un système qui mobilise pourtant le premier budget de la nation: je suis toujours frappé par le nombre de personnes qui ne savent même pas tenir correctement un stylo, malgré 5 ans passés dans le primaire pour apprendre à écrire. Comment pourront-elles, au cours de leurs réorientations futures, apprendre à tenir une truelle, un pinceau, ou un grand-père pour le lever ?
Il est paradoxal de mettre en place une politique d’orientation des adultes quand on mène, en même temps, une politique de désorientation des enfants. Cette contradiction interne du système étant le signe de l’erreur, nous voterons non pour la dénoncer.
En outre, nous demandons solennellement aux socialistes de la région d’alerter les socialistes du gouvernement de cette grave anomalie, aux conséquences incalculables pour la population: ainsi, ils ne pourront pas dire plus tard « nous ne savions pas » !
Pierre Comet (FN) pour une autre politique de… par FNRhoneAlpes