Intervention de Charles Perrot – 19 décembre 2013
Rapport n° 13.12.744 : Discussion générale
Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président,
En pleine cohérence et en continuité avec les orientations budgétaires d’octobre dernier, vous nous proposez un budget primitif dont le maître mot est « responsabilité ». Je rappelle que l’année dernière, le maître mot était « stabilité ».
Petit et nécessaire rapide retour en arrière au temps de cette fin octobre, puisque dans vos orientations budgétaires – et ce sont vos mots à vous -, vous « entraperceviez des premiers signes d’encouragement » ou, autre formulation, et je vous cite : « ce que les experts qualifient de timide éclaircie». C’était au mois d’octobre.
La crise semblait donc s’estomper et les lendemains qui chantent le socialisme triomphant allaient revenir ! Las, l’éclaircie n’aura donc duré guère plus que le temps d’un éclair puisqu’il y a une semaine très exactement, l’annonce de la chute de la production industrielle dans la zone euro, en octobre (moins 1,1 %) a renvoyé au rang des plaisanteries et des mauvaises blagues les annonces continûment mensongères du gouvernement socialiste sur la sortie de crise et l’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année.
Le 22 octobre également, donc il y a moins de deux mois, rappelons-nous aussi qu’eut lieu le vote du budget par le Parlement. Précisément, le vote du volet recettes avec la fameuse et fumeuse écotaxe.
Deux mois après, grâce à d’impressionnantes jacqueries en bonnets rouges et malgré quelques maigrelettes enfumades mélanchonesques, exit l’écotaxe !
Il s’en est passé des choses en deux mois !
Eh bien vous, au moins, Monsieur le Président, durant ces deux mois, de vos orientations budgétaires à votre budget, vous faites preuve d’une remarquable continuité.
Le budget primitif traduit fidèlement dans les chiffres les orientations budgétaires annoncées. Mais cela n’est bien évidemment pas vraiment de nature à nous rassurer.
Et puisque vous appelez à la rescousse le mot de « responsabilité », examinons donc en quoi vos propositions budgétaires ont droit cette année à ce label.
Tout d’abord, lorsqu’on reprend ce budget primitif en comparaison avec celui de 2013, trois chiffres sautent aux yeux.
Le premier est le total du budget. Vous avez été modeste, Monsieur DEBAT, car vous avez dit : « C’est le budget équivalent ». Non, c’est mieux ! Ce budget connaît une baisse légère de 0,8 %, d’environ 20 M€ puisque passant de 2,466 milliards à 2,446 milliards. C’est pour nous une satisfaction. Certes, une petite satisfaction mais tout de même, nous ne boudons pas notre plaisir de voir cette première inflexion après, c’est vrai, quatre années de quasi-stabilité.
Le deuxième chiffre intéressant est la part investissement. Il est vrai que de façon récurrente, vous dites que la région maintient un très haut niveau d’investissement. Cette part investissement, elle, connaît malheureusement une décrue beaucoup plus accentuée que le total du budget. En effet, l’investissement passe de 794 M€ à 728 M€ (moins 66 M€), ce qui représente une baisse de plus de 8 % (moins8,4 %).
Au risque de vous surprendre, ce n’est pas pour nous une bonne nouvelle. Ce n’est pas une bonne nouvelle parce que le troisième chiffre intéressant est bien évidemment la part corrélative du fonctionnement qui, elle, ne voit pas de baisse. Il s’agit d’une augmentation de plus 2,8 % du budget de fonctionnement : 1 672 M€ en 2013, 1 718 M€ en 2014, soit 46 M€ de dépenses en plus.
Nous retrouvons donc bien, avec ce budget primitif, vos fondamentaux, comme aux budgets primitifs 2013, 2012 et 2011. Ce sont ce que j’appelle les fondamentaux socialistes d’un budget socialiste ici encore parfaitement démontrés, qui sont au nombre de deux : un budget dans lequel le fonctionnement absorbe désormais près de 70 % du total, et un budget toujours en augmentation alors que corrélativement, la part investissement n’est que de 30 % seulement, toujours corrélativement en baisse.
La Poste vient de nous adresser tout récemment le numéro 116 de Régions Magazine. C’est intéressant parce qu’émanant de l’Association des Régions de France, on ne peut pas mettre en doute l’impartialité et la justesse de leurs chiffres. Il s ont dressé, page 105, un tableau comparatif des chiffres des régions. Nous l’avons tous reçu il y a huit jours.
C’est très intéressant parce que nous avons les chiffres comparatifs de toutes les régions, dont les 22 régions métropolitaines. Il est intéressant de voir comment se situe Rhône-Alpes. En effet, chaque fois vous comparez Rhône-Alpes en disant que nous sommes le bon élève de la classe, que nous sommes bien placés avec la carte grise, etc.
Ce tableau ne montre pas tout à fait la même chose.
Comment se situe Rhône-Alpes en comparaison des 21 autres régions métropolitaines si l’on prend le critère de la part du fonctionnement rapporté aux dépenses totales ?
Rhône-Alpes est classée 18e Région la plus dépensière sur 22 ! Ce n’est pas moi, c’est Régions Magazine, votre association ARF dont évidemment, avec 21 régions socialistes sur 22, encore une fois, je pense que les chiffres sont justes.
Seules quatre régions sont encore plus dépensières que nous en fonctionnement : la Lorraine, le Limousin, La Franche-Comté et Champagne-Ardenne.
Si on prend le critère de la part investissement, et là M. CHRIQUI a tout faux, non seulement il a tout faux mais il a menti.
Il vient de mentir car il a dit que Rhône-Alpes était la dernière région à consacrer si peu d’investissement. Ce n’est pas vrai, pas tout à fait vrai. Là aussi, la région Rhône-Alpes est 18e sur 22. Quatre régions dépensent moins que nous en investissement. Donc ce n’est pas tout à fait la dernière. Monsieur CHRIQUI, reprenez les chiffres.
Tout simplement, Monsieur le Président, je vous laisse apprécier si ce mauvais classement est bien la bonne mesure d’un budget de responsabilité.
Autre critère très intéressant, le tableau du taux de création nette d’emplois. Rhône-Alpes se situe au 14e rang sur 22. Cela veut dire que 13 régions font mieux, voire même beaucoup mieux que nous.
Or quand l’on sait, mais nous le savons tous, que la question de l’emploi est la première des préoccupations de nos compatriotes, eh bien là aussi, Monsieur le Président, je vous laisse méditer sur l’efficacité de votre politique et sur votre responsabilité.
Vous nous avez rappelé lors des orientations budgétaires que « la démarche initiée en 2013 a permis de stabiliser les dépenses par redéploiement » – M. DEBAT vient à nouveau de nous en parler – « et permettra en 2014 de réaliser enfin de véritables économies ».
C’est bien d’ailleurs ce que vous rappelez également dans l’éditorial de la lettre 53 de Décisions Rhône-Alpes. Là, c’est intéressant aussi. Il faut sortir du budget mais il faut aller piocher un peu à côté. Je ne viens pas piocher dans la publication de l’ARF, mais je viens piocher à la bonne source, la vôtre, vos propres écrits, Monsieur le Président, dans votre éditorial. Je vous cite : « Nous limitons les dépenses d’intervention. Nous réduisons la voilure sur certains postes de dépenses avec 15 M€ d’économies ».
Si je vous cite dans cet éditorial, Monsieur le Président, c’est pour mettre en parallèle ce sursaut de vertu bienvenu que nous saluons, avec 15 M€ d’économies, mais je le mets en parallèle avec la phase sibylline qui suit dans votre éditorial, et je vous cite encore : « Pour la première année, nous levons le centime additionnel sur la TICPE ».
Nous apprécions là la grande retenue du grand communicant QUEYRANNE qui, avec ce minorant, comme M. CHRIQUI vient de le rappeler, le centime additionnel, cache aux lecteurs – tout de même plusieurs centaines de milliers d’exemplaires – la réalité de 66 M€ de taxes supplémentaires à la pompe.
La responsabilité que vous appelez, Monsieur le Président, c’est de dire, c’est d’écrire les choses telles qu’ elles sont et les chiffres tels qu’ils sont.
Vous obérez le pouvoir d’achat des Rhônalpins de 66 M€ supplémentaires pour faire votre politique. Quand vous citez 15 M€ d’économies, trois lignes après, dites que vous augmentez les impôts de 66 M€. Cela aurait été de la responsabilité dans votre éditorial.
Et là, c’est le troisième fondamental socialiste d’ un budget socialiste : pomper toujours pomper plus les économies des Rhônalpins. Ici, il s’agit de pomper directement à la pompe à essence.
Au fond, vous nous faites penser à cette émission de télévision pour enfants d’il y a 40 ans. Vous savez, Les Shadocks, avec la ritournelle célèbre de Claude PIÉPLU passée à la postérité : « Et les Shadocks pompaient, pompaient, pompaient… ».
Monsieur le Président, vous êtes devenu le Shadock de notre institution.
Malgré tout, quelques économies nous réjouissent.
Pour une première fois sous votre présidence, vous réduisez effectivement la voilure sur certains projets éloignés des priorités. On ne va pas les citer mais effectivement, à part les fonctions 1, 2, 3 (formation professionnelle, enseignement, transports) qui, elles, maintiennent leur position et voient même leurs crédits renchéris, les fonctions 3, 4, 5, 7 et 9 (culture-sports-loisirs, santé-action sociale, aménagement du territoire, environnement et action économique) voient toutes leurs crédits de fonctionnement baisser dans des proportions d’ailleurs significatives :
– Aménagement du territoire, moins 14 % ;
– Environnement, moins 11 % ;
– Santé-action sociale, moins 8 % ;
– Action économique, moins 8 %.
Nous nous réjouissons de ce deuxième accès de vertu, Monsieur le Président, car vous avez enfin compris au bout de pratiquement dix ans de présidence que la Région était faite pour s’occuper des compétences centrales de la Région. C’est aussi simple que cela. Ces compétences centrales de la région qui sont l’essentiel de ce que nous devons faire ici. Les compétences non centrales de la Région ont tout de même absorbé l’année dernière pratiquement 20 % du budget, c’est-à-dire 400 M€. 20 % du budget de l’année dernière ont été consacrés à des compétences non centrales de la Région, soit près de 400 M€ !
Vous tapez là-dessus, eh bien là aussi, nous nous félicitons parce que cela fait dix ans que nous le réclamons régulièrement.
J’imagine, et nous imaginons, combien ces choix ont dû être douloureux. Douloureux pour vous, douloureux surtout pour vos petits camarades remuants, rouges et verts, qui bien évidemment, vont nous offrir tout au long de ces deux journées le grand jour de la dramatisation ; pourquoi pas la menace de vous mettre en minorité sur votre budget primitif, sauf s’ils obtiennent leurs petits os à ronger ; et gageons qu’ils les obtiendront, bien sûr !
Nous vous laissons donc, Monsieur le Président, en toute responsabilité, jouer votre partition savante de fin de cycle.
Merci.
Charles Perrot (FN) critique le budget primitif… par FNRhoneAlpes