Intervention de Charles Perrot – 23 octobre 2013
Rapports n° 13.12.627 et 13.12.628
Monsieur le Président,
Vous l’avez dit vous-même, Monsieur le Vice-président en Commission Finances, jeudi dernier, et vous l’avez d’ailleurs répété ce matin, il s’agit d’une décision modificative, d’ajustements modestes de 32 M€, qui rapportée au budget de 2 470 M€ représente 1,3 % du budget primitif. Ce n’est donc pas la DM du siècle. D’ailleurs, comme pour les quatre années antérieures, et vous l’avez dit, elle modifie petitement et à la marge l’exécution budgétaire.
L’heureuse surprise pour vous, et qui a été signalée, et par rapport aux prévisions inscrites au budget primitif 2013, ce sont ces recettes de CVAE, cotisations sur la valeur ajoutée de l’entreprise, qui génèrent 23 M€ supplémentaires, qui sont ainsi tombés dans votre escarcelle comme par enchantement.
Il est vrai que l’on peut considérer que ce changement de périmètre de calcul de la taxation des entreprises de la taxe professionnelle vers la CVAE complexifie considérablement les choses, à la fois pour les services fiscaux, mais aussi pour les entreprises. Je peux vous dire que les bases ne sont pas encore bien établies. En ce moment, les services fiscaux ont une priorité pour travailler, vérifier et redresser toutes les entreprises sur les calculs de CVAE. Cela va d’ailleurs dans les deux sens. J’ai quelques sources très sûres de services fiscaux qui disent que c’est très compliqué pour eux et comprennent, par voie de conséquence, qu’il n’est pas facile aussi pour les entreprises de calculer exactement ce qu’elles doivent. C’est encore un dispositif inventé par quelques énarques et « crânes d’œuf », mais encore une fois, nous voyons la complexité de la chose.
Simplement, vous avez 23 M€ supplémentaires. Ce sont des recettes bienvenues qui vous permettent de ventiler encore plus de crédits de fonctionnement, comme d’habitude, à hauteur de 28 M€. Encore une fois, ce sont les entreprises qui aujourd’hui vous offrent les moyens de cette décision modificative. Pourvu que cela dur !
Je saluerai quand même votre proposition de diminuer l’emprunt d’équilibre de 18 M€. Nous nous en félicitons. Mais ce n’est pas une première, puisque l’année dernière vous aviez diminué l’emprunt d’équilibre de 14 M€. Puisque cela tend à devenir une habitude, il convient peut-être de revoir à la baisse l’emprunt d’origine inscrit au budget primitif. C’est d’ailleurs ce que vous aviez prévu pour l’année 2014. Comme on le dit quelquefois des enfants : cela s’appelle avoir les yeux plus grands que le ventre, ce qui augure souvent des digestions difficiles. En l’occurrence, et vous le savez bien, ce sont maintenant les contribuables qui ont des digestions difficiles pour ne pas dire la nausée. Au-delà de ces digressions gastro-intestinales, bien évidemment, nous ne voterons pas cette DM 1.
J’en viens aux orientations budgétaires. Comme chaque année, à pareille époque avec le rapport des orientations budgétaires, vous vous livrez au même exercice de style en préambule de vos arbitrages pour le budget primitif. Vous nous brossez l’état de la France telle qu’elle va ou plutôt telle qu’elle ne va pas bien ou plutôt, selon nous, telle qu’elle va de plus en plus mal. Quand bien même, vous entrapercevriez (ce sont vos mots) les premiers signes d’encouragement ou ce que des experts qualifient de timide éclaircie, la réalité de ce que vivent nos compatriotes est de plus en plus difficile avec une triple analyse : premièrement, un sentiment d’exaspération croissant vis-à-vis de la sphère politique, sauf vis-à-vis du Front National. Je crois que c’est évident, mais il faut le rappeler. Deuxièmement, un sentiment de défiance vis-à-vis de la politique du gouvernement socialiste. Troisièmement, un sentiment de ras-le-bol exprimé dans les sondages successifs d’opinion. Pour preuve, d’ailleurs, le dernier sondage Ipsos Public Affairs, publié lundi dernier, que nos amis du Progrès décortiquent dans leur édition du 20 octobre, sous la bannière suivante : « Impôts : les Français en ont ras-le-bol !».
Et puis, nous avons eu le droit avant-hier au vote du budget par le parlement. Le volet recettes avec l’écotaxe, un impôt de plus, qui in fine sera évidemment répercuté et payé par le consommateur final des produits transportés, mais c’est heureux, que cela commence à gronder dur dans les campagnes. On verra bien.
C’est donc dans ce contexte que la baisse du pouvoir d’achat des Français et des ménages est directement imputable aux impôts. C’est une première. Cela a été souligné cet été par tous les journaux sérieux. Vous nous présentez ces orientations budgétaires en ce moment. Cela ne tombe pas très bien. N’oublions pas non plus le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques publié il y a 10 jours, qui démontre à l’envi les dérives socialistes dans leur gestion de toutes les collectivités locales. Ce rapport est remarquablement bien fait. En substance, il dit, premièrement, que les dépenses de fonctionnement sont hallucinantes par rapport aux investissements.
Deuxièmement, les dépenses de personnel sont en inflation constante et s’apparentent à l’évidence (c’est moi qui le rajoute) un peu à du clientélisme.
Troisièmement, ce fameux flou dans la répartition des compétences conduit automatiquement à la mauvaise gestion des collectivités.
Monsieur le Président, vivons-nous la même chose dans notre Région ? Je me pose la question. Notre région serait-elle une exception ? À vous entendre, Monsieur le Vice-président, serait-elle une collectivité vertueuse qui échapperait à la critique de la Cour des comptes, qui se tiendrait à l’écart de toute hausse des impôts et qui par des orientations budgétaires audacieuses dans ces dossiers en politique de déception, échapperait à un climat général de fin de règne. Je crois quand même qu’il n’en est rien. Pourtant j’y ai cru. M. CHRIQUI m’a d’ailleurs coupé l’herbe sous le pied. J’y ai cru l’espace d’un instant, ou plutôt l’espace d’un article de journal paru dans Les Echos le 18 juin. M. CHRIQUI faisait allusion à un volumineux rapport que vous avez rédigé, Monsieur le Président, avec M. DEMAËL, directeur général de SOMFY. Ce rapport est passionnant. M. CHRIQUI nous a donné lecture de quelques-unes de vos propositions. J’ai pioché d’autres choses. Effectivement, ce rapport que vous avez remis au ministre MONTEBOURG sur les aides publiques aux entreprises est uniquement consacré aux aides publiques aux entreprises. Selon les mots de M. le ministre du Redressement productif et de la marinière au vent, c’est un « maquis urticant ». M. DEMAËL, co-auteur de ce rapport, dit : « Les coûts de gestion des aides aux entreprises sont si gros que nous ne sommes pas parvenus à les quantifier exactement.» Il précise quand même un peu plus loin : « Dans les collectivités locales, 15 000 personnes payées par le contribuable sont théoriquement (chacun appréciera le théoriquement)en appui des entreprises, soit un coût 700 M€. » C’est un constat accablant. Je pense que l’on pourrait d’ailleurs dresser ce constat pour toutes les aides publiques. Il n’y a pas que les aides publiques aux entreprises. On pourrait aller vérifier dans tous les domaines d’intervention des collectivités et on trouverait, je crois, des dizaines de milliers de personnes payées par le contribuable, qui sont théoriquement en appui des entreprises ou d’autres politiques pour des coûts de plusieurs milliards d’euros.
Monsieur le Président, dans ce rapport, auquel vous avez contribué, vous avez même préconisé 3 Md€ d’économies. Dans votre rapport, vous n’avez pas envisagé la totalité des 110 Md€ d’aides aux entreprises, mais vous avez restreint votre centre d’investigation à 46,5 Md€. Vous proposez 3 Md€ d’économies sur 46,5 Md€ de dépenses. Vous avez quand même, pour être honnête, fléché 1 Md€ de ces économies et vous souhaiteriez les réutiliser vers quatre priorités : l’investissement, l’innovation, l’industrie, l’international. Mais, comme le dit M. CHRIQUI, ce milliard doit revenir aux Régions, puisqu’elles sont chef de file en la matière. Vous avez à travers ce rapport, premièrement, préconisé des économies importantes et, deuxièmement, en disant que ce sont des économies : par ici le grisbi. 3 Md€ sur 46,5 Md€, cela fait un peu plus de 6 % d’économies.Quand j’ai lu cet article, je me suis dit : « M. QUEYRANNE aurait-il tout compris ?».
D’où ma déception, quand je vois que pour les orientations budgétaires 2014 vous inscrivez 2,35 Md€ de budget primitif, c’est-à-dire exactement, à quelque chose près, le même montant que pour 2013. Je me dis qu’il n’a pas tout compris ou alors il y a quelque chose que je ne comprends pas. Il y a peut-être du Janus bifrons en vous, Monsieur le Président. C’est les deux faces d’une même pièce. D’un côté, on aurait M. QUEYRANNE, rapporteur économe à Bercy et ici on aurait le dispensateur frivole à Lyon. Je pose une question toute simple : pourquoi ne vous appliquez-vous pas à vous-même, Monsieur le Président ces 6 % d’économies pour votre prochain budget primitif. C’est tout ce que je vous demande. La voilà l’orientation budgétaire magique. Puisque vous avez été capable de proposer et vous avez signé un rapport qui propose 6 % d’économie à l’État, que ne l’appliquez-vous à vous-même ? Vous savez que c’est possible,puisqu’en page 4 du document des orientations budgétaires, vous dites : « La démarche initiée en 2013 a permis de stabiliser les dépenses par redéploiement. » Et M. le Vice-président nous en a encore parlé ce matin : « Grâce au redéploiement, nous avons déplacé certaines sommes vers d’autres politiques et sans augmenter le total lui-même des dépenses. ». Vous avez même dit : « Nous allons même en 2014 pouvoir faire de véritables économies en ne renouvelant par certains projets éloignés des priorités. »
Enfin, dans votre rapport, j’ai trouvé magique l’orientation budgétaire. Elle n’est pas magique : il aura quand même fallu neuf ans pour admettre que certains projets sont éloignés des priorités, d’une façon de le dire très sympathique et très doucereuse. Cela fait des années que nous dénonçons et que nous clamons cette possibilité de supprimer certaines politiques très éloignées des priorités. Paradoxalement, la seule traduction chiffrée dans ces orientations budgétaires de votre apparente prise de conscience est d’enclencher le fameux centime additionnel qui va entraîner 66 M€ espérés de recettes supplémentaires. Une recette supplémentaire est un impôt supplémentaire pour les contribuables et pour les automobilistes. Je ne comprends plus.
En conclusion, Monsieur le Président, je me permettrai de revenir sur une phrase de votre introduction. À ce rapport, page 13, si je crois la phrase qui est la plus juste, en tout cas une phrase que personne ne peut contester, et qui pour beaucoup de Rhônalpins est aussi la phrase la plus porteuse d’espérance politique, je vous cite : « Ce budget primitif en cours de préparation sera le dernier budget en année pleine de l’actuelle mandature.» Cela au moins ne coûte rien. C’est une orientation non budgétaire mais en tout cas c’est la certitude qu’une page va enfin se tourner et il était temps.
Je vous remercie.