Intervention de Gabriel de Peyrecave – 13 décembre 2012
Rapport n° 12.05.674
Monsieur le Président, mes chers collègues,
Le rapport qui nous est soumis souligne à bon droit l’importance de la forêt en particulier, mais aussi du monde rural en général dans les équilibres sociaux, économiques et environnementaux de notre région.
M’exprimant au nom d’une formation politique qui réalise quelques-uns de ses meilleurs résultats dans les zones rurales, je ne peux que me féliciter de cette prise de conscience.
Avant de rentrer précisément dans ce rapport, permettez-moi de faire un bref rappel historique de la filière bois.
L’histoire des aménagements est intimement liée à celle de la foresterie depuis les orientations politiques jusqu’aux pratiques. La France est un vieux pays de traditions forestières. Ses thèses de sylviculture ont été exportées un peu partout dans le monde, dans ses anciennes colonies comme dans le nouveau monde. L’aménagement forestier est le produit et le reflet de ses héritages. Son histoire est intimement liée à la recherche d’une durabilité forestière déterminée par les logiques et les aspirations des décideurs forestiers de chaque époque.
En France comme en Europe, l’aménagement des forêts remonte à presque 500 000 ans lorsque quelques chasseurs cueilleurs se lancent à la conquête de nouveaux territoires de chasse en mettant le feu à d’importantes étendues boisées. Ces aménagements constituent les premières modifications anthropiques de la couverture forestière. Les premiers paysans poursuivirent l’action de leurs ancêtresen défrichant des surfaces forestières pour y implanter champs, prairies et baraquements en rondins.
Avec le développement de l’industrie, comme celle de la céramique, les besoins en bois deviennent croissants et la forêt est aussi une matrice nourricière pour des populations qui construisent et se chauffent au bois. Bien sûr, à cette époque on ne saurait parler d’aménagement au sens réglementaire et technique où on l’entend aujourd’hui, mais on peut en revanche évoquer des stratégies d’exploitation oscillant entre destruction et protection des forêts. À cette époque, nous exploitions nos forêts françaises, à cette époque nous utilisions notre bois français, à cette époque, nous fabriquions français. L’économie de proximité existait déjà, c’était le bon sens. Nous n’allions pas chercher le bois à “Pétaouchnok” ! Nous aimerions encore dire que la France, que la région Rhône-Alpes exporte son savoir-faire, que ses exportations en bois explosent. Il n’en est rien. La raison est simple, la gauche comme la droite depuis plus de 30 ans ne font souvent que réaffirmer les grands principes généraux sans proposer d’outils concrets. Par exemple, les documents d’aménagement en forêt consacrent des rubriques entières sur des études, des propositions, des expertises, mais bien souvent celles-ci ne se réduisent qu’à des bilans catastrophiques. Personne ne veut se lancer véritablement dans un changement radical.
Produisons, fabriquons avec nos forêts françaises.
Aujourd’hui le forestier est confronté à l’imaginaire et à l’inconscient collectif du durable et autre réchauffement climatique, se trouve désemparé car les outils juridiques et techniques auxquels il est habitué ne lui permettent plus d’évaluer, de quantifier, ni de répondre à la demande.
Accompagner et soutenir la filière bois nous semble relever du bon sens le plus élémentaire et ce rapport va globalement dans la bonne direction ou plus exactement irait dans la bonne direction si une fois de plus vous ne veniez pas polluer quelques idées simples avec ce nouveau comité Théodule, ce nouveau soviet technocratique baptisé “Rencontres régionales pour l’avenir de la filière bois” et mis en place conjointement par le ministère de l’Agriculture et de l’agroalimentaire et de la forêt et l’Association des Régions de France.
Combien cette “sauterie” d’élus, de hauts fonctionnaires, d’experts, de consultants et de conseillers de tout poil va-t-elle encore coûter aux contribuables et pour quels résultats tangibles et concrets ? Votre majorité est-elle en mesure, Monsieur le Président, de nous indiquer ici et maintenant le nombre de personnes qui composeront la délégation rhônalpine lors de ces rencontres et le coût prévisionnel complet par personne et par jour ?
Si dans votre rapport sont indiqués les bons chiffres de la filière bois, comme par exemple et vous l’avez rappelé tout à l’heure, la filière se caractérise par un grand nombre de petites et moyennes entreprises qui emploient plus de 42 000 salariés et fait de la région Rhône-Alpes la première région française, vous oubliez de préciser que la filière bois en France a perdu plus de 25 000 emplois depuis l’année 2001.
Vous rappelez aussi et là vous ne pouvez pas le cacher tellement c’est énorme, la balance commerciale des produits bois est très déficitaire en Rhône-Alpes comme pour le reste de la France. En 2010, les importations de bois en région représentaient 269 M€ dont près de la moitié sous forme de bois scié et raboté alors que les exportations n’ont été que de 63 M€. Cela représente un déficit commercial de 206 M€. En décembre 2010, vous nous faisiez voter à l’unanimité 4 priorités pour la filière forêt-bois. Vous nous refaites voter aujourd’hui, alors que nous subissons toujours votre politique qui ne donne aucun résultat.
En l’absence de réponse chiffrée et précise, nous doutons une nouvelle fois sur le lancement de cette politique. Mais en tant qu’homme libre qui chérit la forêt, j’ose encore espérer, je tente d’espérer et une nouvelle fois le groupe votera pour ce rapport. Merci.