Intervention de Christian Grangis – 13 décembre 2012
Rapport n° 12.04.677
Monsieur le Président,
Mes chers collègues,
J’ai été gérant de société dès 1975 et adhérent aux CIDUNATI de Gérard Nicoud, puis du CID de Robert Chazel et d’autres défenseurs du commerce dont Pierre Poujade et Christian Pousset du CDCA. En tant que tel et en tant que défenseur de la liberté d’entreprendre, je pense donc avoir une expérience du sujet. Ainsi, j’ai lu avec intérêt le rapport « Economie de proximité » que vous nous présentez.
Votre majorité nous a souvent gratifié de rapports longs, abscons, dans lesquels les abréviations les plus étranges le disputent aux lapalissades les plus éculées. Et je dois à la vérité de vous reconnaître ce talent particulier concernant les dossiers sur lesquels vous êtes le moins à votre aise.
Incontestablement, la question entrepreneuriale vous pose problème. Est-ce la crise dans laquelle nous nous enfonçons jour après jour ? Est-ce le spectre du chômage de masse ? Est-ce l’approche d’échéances locales qui pourraient être désastreuses pour vous et vos amis, même si je veux ici saluer les efforts louables de l’UMP pour vous voler la vedette en terme de désastre annoncé… Toujours est-il qu’il nous a très rarement été donné de lire un rapport se payant autant de mots creux, de phrases vides et d’intentions obscures.
En encourageant systématiquement les concentrations industrielles ou commerciales (dans la grande distribution, par exemple), les pouvoirs publics ont faussé le jeu de la concurrence entre les entreprises. On a laissé les donneurs d’ordre écraser producteurs ou fournisseurs, petits et moyens ; le consommateur lui-même, est devenu captif. Les lois Royer ou autres qui étaient censées protéger le commerce, se sont montrées complètement inefficaces. Et cependant, s’il y a un secteur où le politique a toute sa place, ce devrait bien dans ce domaine.
Qu’est-ce que vous nous proposez ?
La concrétisation de ce dossier ne saute pas vraiment aux yeux des lecteurs attentifs. Votre laborieuse copie semble se limiter à un enfilage d’interventionnisme économique comme la mesure « Articuler les politiques au service de l’économie de proximité », de lourdeurs administratives comme celle pompeusement nommée « S’engager dans le partenariat avec l’Etat, la Chambre de Commerce et d’Industrie de région (CCIR), la Chambre Régionale de Métiers et d’Artisanat (CRMA) et les collectivités territoriales, dans la dynamique Management de centre ville » (!), ou d’aveux de votre propre impuissance comme celle intitulée « Faciliter l’émergence des projets et la création d’entreprises » ; à qui comptez vous faire croire en effet, Monsieur le Président, qu’un entrepreneur local, commerçant, artisan, patron d’une TPE voire d’une PME attend l’action de votre majorité pour mettre en place ses projets et créer son activité économique.
Ce ne sont pas vos propositions dérisoires qui seront à la hauteur de l’enjeu dont je vous rappelle les chiffres :
– selon les « Etudes Altarès », près de 12 000 défaillances d’entreprises prononcées au 3e trimestre 2012 ;
– selon l’étude de l’assureur-crédit « Coface », le taux de défaillance est deux fois plus élevé que de l’autre coté du Rhin, soit près de 50 500 faillites en 2011, ce qui ne va pas faire plaisir à l’UMP au pouvoir cette année-là ;
– le taux de mitage, c’est-à-dire de commerce inoccupés dans une cité, est impressionnant. Dans certaines petites communes, il est même parfois exorbitant, étant donné qu’il n’y a plus rien.
Il convient donc de mettre en œuvre des méthodes de promotion de l’entreprise française qui tournent le dos aux pratiques actuelles. En effet, pour aider les sociétés, l’Etablissement ne connaît qu’une méthode : l’interventionnisme, le recours aux subventions. Or, ce procédé est néfaste, sauf pour vos clientèles électorales, car une entreprise saine doit précisément pouvoir vivre, créer et se développer par la seule vertu de son activité propre.
L’objectif devrait être de créer l’environnement qui favorisera leur essor et leur rendra la pleine maîtrise de leur propre gestion. Voici l’esprit qui préside au plan de libération préconisé par notre groupe.
En ce qui vous concerne, Monsieur le Président, les conditions de cet environnement, vous n’avez jamais su les mettre en pratique. Pire, vous avez tout fait pour qu’il n’y en ait plus. Par conséquent, vous êtes obligé de remplacer le système bancaire par des fonds, subventions et autres gadgets.
Et vous n’êtes pas les seuls. L’UMP de Nicolas Sarkozy a sa très lourde part de responsabilité en instaurant la Cotisation Foncière des Entreprises (CFE) dans un contexte économique très difficile, et ceci avec des hausses délirantes allant jusqu’à 450 %. Augmentation des charges sur le plan intérieur, au moment où l’on ouvrait les frontières à la concurrence la plus déloyale.
Pour conclure, je voulais vous faire part d’un témoignage d’une attachée de la CCI qui m’a confié récemment avoir honte de monter des dossiers d’aide à l’installation de nouveaux commerces. En effet, elle se dit persuadée du fait que dans les deux ans, ces mêmes commerces auront pour la plupart fait faillite. Sa gène était poussé à son paroxysme lorsqu’elle était invitée à l’inauguration avec le député, le maire, le conseiller général, me confiant que tous le monde était conscient du même fait.
Alors, Monsieur le Président, descendez de votre piédestal. Tenez compte des réalités. Arrêtez de saupoudrer partout cette coûteuse poudre aux yeux.