Intervention de Dominique Martin – 1er juillet 2011
Rapport n° 11.02.435
Monsieur le Président, chers collègues,
Dans l’exposé de vos motifs, vous nous faites un bref rappel historique des lois successives censées régler la difficile gestion de la formation professionnelle dans notre pays.
– La loi de modernisation sociale en décembre 1993 lorsque l’État, débordé par le problème, s’est désengagé des formations continues sur les Régions mais vous oubliez de rappeler que l’État nous transmettait alors les fameux crédits formation individualisés (CFI) avec leur triste corollaire imposé par la loi, le programme TRACE, Trajectoire d’accès à l’emploi contre les exclusions afin de renforcer le suivi des jeunes de moins de 26 ans les plus en difficulté.
Il s’agissait déjà en réalité de gérer l’échec de l’Éducation nationale et les effets collatéraux de l’immigration. M. Charles Millon, président de l’époque, de sauter dessus à pieds joints dès 1994 alors que ce n’était nullement une obligation pour la Région. Mais nous étions enfin autonomes, enfin le croyait-on. Et la Région d’adopter son premier PRDF en décembre 1995.
– La loi de février 2002 relative à la démocratie de proximité qui étendait notre champ d’application au public adulte précisant l’intervention de la Région dans la validation des acquis de l’expérience. Et la Région d’adopter son second PRDF en juillet 2003 pour les jeunes et les adultes.
– La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales qui nous transférait alors les formations sanitaires et sociales ainsi que celles du domaine artistique et culturel. Et la Région, débordée à son tour, d’introduire un changement significatif en juillet 2006 en accord avec l’État et les partenaires sociaux pour s’assurer d’une opérationnalité qui manquait et pour éviter la production d’un document programmatique qui s’avérait rapidement obsolète.
Le PRDF deviendra dès lors une démarche de pilotage permanent de l’offre de formation mais y avait-il un pilote dans l’avion ?
– Enfin, la loi n°2009-1437 du 24 novembre 2009 qui prévoit dans son article 57 qu’une stratégie coordonnée doit être définie et mise en oeuvre par l’État, le Conseil régional et les partenaires sociaux, et contractualisée pour quatre ans au moyen du Contrat de plan régional de développement des formations professionnelles, objet du débat de ce jour.
Monsieur le Président, chers collègues, Monsieur le vice-Président, nous voilà revenus au point de départ. Si, en 1993, l’État se désengageait laissant la formation professionnelle de la seule responsabilité du Conseil régional, 18 ans plus tard, il nous impose un contrat de plan. Cela m’amène à vous poser deux questions.
Première question : qui de l’État ou de la Région est le plus compétent ou le plus incompétent en matière de formation professionnelle puisque l’un et l’autre se renvoient la balle depuis 18 ans ?
Deuxième question : est-ce que, au final, après 18 ans d’expériences plus diverses que variées, la formation professionnelle doit être gérée par la Région ou par l’État ou par les deux via un contrat de plan ?
Avant que vous puissiez me répondre, ce qui est sûr, ce que chacun a pu constater, c’est que nous avons été les témoins d’un énorme gâchis.
Gâchis humain d’abord : 18 ans, c’est une génération complète qui a été sacrifiée.
Gâchis financier ensuite car ce sont des milliards d’euros qui ont été investis sans aucun résultat probant. Aucun résultat probant ! Et ce n’est pas notre collègue de l’UMP, le sénateur M. Jean-Claude Carle, qui pourra le contester puisqu’il a présidé une mission sénatoriale commune d’information qui fit le même constat malheureux en juillet 2007 ; sans oublier qu’un groupe multipartite créé en février 2008 par la ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi d’alors, Mme Christine Lagarde, avait élaboré les principes devant guider une réforme de la formation professionnelle. Ce groupe présidé par M. Pierre Ferracci avait rendu une première synthèse alarmante de ses travaux en juillet 2008.
Mais, Monsieur le Président, chers collègues, en Rhône-Alpes, nous sommes sauvés. Nous avons l’immense Professeur Meirieu ! Plus le Professeur Meirieu s’occupe de rénovation pédagogique depuis sa thèse d’État en 1983 ayant comme sujet de recherche les pratiques de groupe en situation scolaire, moins nos enfants savent lire, écrire et compter et moins nos jeunes sont préparés à entrer dans le monde du travail, le vrai monde du travail, celui de l’entreprise.
Non, Monsieur Meirieu, si vous êtes devenu ce que vous êtes aujourd’hui, un professeur qui occupe le devant de la scène, ce n’est pas par les méthodes que vous défendez, celles que vous voulez imposer, mais par les méthodes des hussards noirs de la République, le b.a-ba : l’effort, le mérite, la discipline, l’ordre, le respect, la récompense, la punition, le classement, la sélection, la reconnaissance…
Monsieur le Président, chers collègues, certes, à la lecture de votre rapport, on trouve de bonnes idées, de bonnes intentions. Vraiment, on y croit ! Mais ce ne sont que des vœux pieux et cela fait 18 ans que j’entends la même ritournelle, 18 ans déjà et le chômage continue de progresser tout comme l’illettrisme, 18 ans déjà que nos jeunes peinent de plus en plus à entrer dans la vie active. J’ose à peine vous le rappeler mais des dysfonctionnements similaires à ceux de l’Éducation nationale se retrouvent en matière de formation.
La formation professionnelle et la formation continue sont trop souvent utilisées comme des outils de traitement des problèmes sociaux pour les personnes en difficulté et non comme un dispositif d’acquisition et de valorisation des compétences. Le constat est certes amer mais la formation est plus que jamais devenue un dispositif de plus pour gérer l’échec de l’Éducation nationale et les effets collatéraux de la mondialisation et de l’immigration.