Intervention Sophie Robert – 7 avril 2011
Rapport n° 11.02.206
Monsieur le Président, mes chers collègues,
91 000 jeunes de 16 à 25 ans ne sont plus en formation mais restent sans emploi en Rhône-Alpes. C’est effrayant… Et ce malgré les Pôles emploi, les missions locales, les Plans espoirs banlieue, les contrats d’autonomie, les écoles de la 2ème chance, l’internat d’excellence, le CIVIS, le contrat jeune en entreprise, le Pacte, etc. Et vous voudriez encore ajouter un plan régional en faveur des jeunes pour le raccrochage en formation et pour l’emploi ? alors je vous dis Stop !
On y perd son latin, si j’ose dire. On a tout fait pour essayer d’aider les jeunes, dès le milieu scolaire, à trouver une place et un emploi dans notre société. En vain : depuis plus de 30 ans, on s’acharne à poser des emplâtres sur une jambe de bois. Ne riez pas !
Alors, sans vouloir douter des bonnes intentions qui vous animent comme tous ceux qui ont transformé notre système de formation en véritable usine à gaz, ne serait-ce pas le moment de se poser les bonnes questions pour s’attaquer courageusement aux causes plutôt qu’aux conséquences ?
En premier lieu, il y a indéniablement le manque d’emplois dans notre pays, et là, nous le répétons sans cesse, la vraie solution est dans l’entreprise qui a besoin d’être protégée, non à coup de subventions, mais par une politique nationale audacieuse destinée à contrebalancer la concurrence déloyale issue du mondialisme. On l’apprenait la semaine dernière, le dernier fabricant de chaussures de Romans vient d’être racheté par une entreprise chinoise, alors que la Région Rhône-Alpes finançait sur le dernier mandat pour 800 000 € une école de la chaussure et du cuir au Vietnam. La méthode serait peut être à revoir.
La 2ème cause se trouve évidemment, et vous le notez dans le rapport, dans l’échec scolaire et les problèmes d’orientation. Je vous cite : « Il est important et urgent d’agir afin d’éviter la marginalisation voire l’exclusion d’une partie de ces jeunes, c’est pourquoi des réponses spécifiques sont à construire et sûrement à inventer ». Alors là je m’étonne.
Vous auriez, M. Meirieu, la charge d’expérimenter un nouveau dispositif pour aider les jeunes en décrochage ? Ce serait oublier que tout le modèle éducatif français a été repensé, réorganisé, tous les enseignants ont été formés, toutes les expériences ont été tentées sous l’impulsion de vos propres thèses, M. Meirieu, en commençant par la globalisation des apprentissages et le travail de groupe, en voulant à tout prix prendre en compte toutes les différences des enfants avec leurs difficultés à avoir une classe, un enseignant, une discipline, un cours identique pour tous malgré les bonnes intentions et le souci d’aide à chacun qui vous anime.
Mais on en est arrivé au point où la transmission du savoir n’apparaît plus comme une priorité pour le corps enseignant. Je parle d’expérience : aujourd’hui mes enfants (puisque j’en ai 5) doivent construire avec leurs camarades leurs propres cours en faisant des recherches sur un tas de supports (d’ailleurs on s’étonne qu’ils ne soient plus structurés, ne puissent plus rester assis pendant 1 heure de cours), sachant que l’essentiel pour eux est de – je cite – « construire des projets ayant pour objectif la citoyenneté ». Simultanément, les ravages du pédagogisme et de l’égalitarisme ont transformé les écoles en « lieux de vie » et les professeurs en « animateurs sociaux ».
Résultat : le niveau en entrant au collège ne cesse de baisser. Puis les enfants découvrent les joies du collège expérimental et du collège unique, avec la modification des programmes, la suppression des 3èmes d’insertion et des 4èmes technologiques. Et les élèves qui n’ont pas le niveau sont ballotés d’un collège à un autre pour arriver à la dernière mesure pour enfoncer un peu plus les jeunes : la réforme du bac pro. On comprend mieux, après ce parcours du combattant, que certains jeunes se trouvent en décrochage complet.
On pourrait poursuivre longtemps cette énumération des échecs enregistrés en matière de réformes de l’éducation nationale… Croyez que cela serait, si j’ose dire, instructif mais, de crainte de vous lasser, laissez-moi conclure en vous disant que, bien sûr, notre groupe ne votera pas cette nième mouture – vouée elle aussi à l’échec – du plan régional en faveur des jeunes mais qu’en revanche, il est tout disposé à participer à une réflexion de fond sur les moyens de rendre au système scolaire les mérites de la sélection, aux enseignants leur juste place et aux diplômes leur valeur tout en confiant aux organisations professionnelles et aux corps de métier la maîtrise de l’apprentissage et des études par alternance.
A ce prix, oui vous nous trouverez à vos cotés.
Je vous remercie.