Intervention de Christophe Boudot – 24 février 2011
Rapport 11.00.107
« La démocratie est une bonne fille, pour qu’elle reste fidèle il faut lui faire l’amour tous les jours ». Cette citation n’est pas de moi, hélas peut-être, mais de votre ami et radical socialiste, ancien Président du Conseil et Maire de Lyon, Édouard Herriot, il savait bien de quoi il parlait. Comme lui, Monsieur le Président, vous avez semble-t-il la passion de la démocratie, de la démocratie participative en l’occurrence. A l’occasion de cette modification du règlement intérieur, vous nous proposez d’accorder un droit d’initiative, quasi de saisine du Conseil régional par une partie de la population rhônalpine.
De quoi s’agit-il ? Vous nous proposez que des personnes majeures, résidant en Rhône-Alpes depuis au moins un an, puissent vous demander d’inscrire à l’ordre du jour de notre Assemblée un rapport relatif à une affaire relevant de sa décision. Pour avoir assisté aux différentes réunions du groupe de travail, présidé par le Vice président Soulage, nous nous sommes vite aperçus que ce projet faisait partie de vos promesses de campagne électorale, qui d’habitude chez vous n’engagent que ceux qui les écoutent mais qui, en l’espèce, ont dopé l’ardeur de ce groupe de travail à proposer un projet de modification de notre règlement.
Je note au passage que l’UMP a toujours suivi ce projet en y apportant des nuances de forme, certes, mais sans jamais le remettre vraiment en cause.
Cette idée de donner la parole au peuple, en dehors du temps électoral, paraît belle et généreuse. Elle participe du renforcement de la démocratie participative au sein des institutions. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une habile manœuvre politique en vue d’associer de plus en plus les ressortissants étrangers aux décisions de nos institutions. Mme Aubry et nombre de vos amis socialistes l’ont bien compris, ils ont déjà adopté à Lille et ailleurs des mécanismes semblables. Il s’agit en réalité de revenir en douceur sur le principe de nationalité et de le remplacer peu à peu par un statut individuel universel, dans lequel l’appartenance à la nation ne confère pas plus de droits que ceux accordés aux réfugiés économiques que vous semblez tant apprécier.
Dans votre rapport, vous déclinez un ensemble de critères, qualités essentielles autorisant cette démarche de saisine de l’Assemblée. Il faut par exemple résider depuis plus d’un an dans l’un des huit départements de la Région, il faut si possible être inscrit sur les listes électorales, mais ce n’est pas obligatoire. Une fois ces signataires déclarés, un sondage de validité des informations transmises sera pratiqué auprès de 5 % de ces signataires, sans craindre les foudres de la CNIL bien sûr. Quelle affaire ! Quelle énergie produite ! Vouloir associer le peuple aux décisions des exécutifs nous semble pourtant une très bonne chose mais, avant de réussir une bonne démocratie participative, il faudrait en admettre quelques règles élémentaires qui vous sont pour le moins très éloignées.
D’abord, la première étape consisterait en la généralisation du mode de scrutin proportionnel à toutes les élections, donnant au peuple une fidèle et solide représentativité et obligeant les élus à travailler à une majorité de projet chaque fois. Mais, Monsieur le Président, vous dérogez sans tarder à ce bel idéal de démocratie, en vous accommodant très bien du vote de scrutin mixte prévu par la réforme Raffarin de 2004. Ce mode mixte visait à barrer la route au Front National dans plusieurs régions françaises, il a finalement servi vos intérêts politiques en vous donnant sur un plateau 22 des 23 régions françaises. De plus, en opposition totale à tout principe d’équité, cette réforme vous octroie, le temps de cette législature, 40 conseillers régionaux supplémentaires qui n’ont aucune légitimité électorale et qui sont le pur produit de la prime majoritaire.
Ensuite, une fois l’assemblée élue au scrutin proportionnel, il nous paraîtrait légitime d’adopter un système équitable de nomination des groupes politiques relativement aux organismes extérieurs. Encore une fois, vous vous payez de mot et, à la faveur d’un mode de désignation que vous avez choisi, le Front National, groupe de 17 élus, est systématiquement écarté de toute représentation dans les conseils d’administration des lycées par exemple.
Enfin, concernant les grands sujets de société, il serait possible de consulter le peuple directement, Monsieur le Président, par le biais du référendum, expression directe de la souveraineté nationale réservée aux électeurs français, inscrits sur les listes électorales, et prévue par l’article 11 de la Constitution. Mais là non plus cette forme de démocratie directe ne vous plaît guère, car la procédure constitutionnelle a eu la sagesse d’exclure les ressortissants étrangers, qui n’ont rien à faire dans les prises de position politique de leur pays d’accueil.
Pour vous, socialistes, l’UMP n’est pas en reste, consulter directement le peuple c’est courir le risque qu’il vous donne tort. En définitive, vous voulez enfoncer un coin de plus dans notre bel équilibre institutionnel. Vous vous prenez à rêver d’une France débarrassée de tout principe de nation, de toute appartenance à une identité, vous rêvez d’un État cosmopolite, égalitariste, en bref un État faussement démocratique.
Le Front National, comme vous l’avez compris, ne votera pas ce rapport. Il considère comme sacrée la prééminence des Français quand il s’agit d’affaire politique française en France.
Je vous rappelle, pour conclure, que le Front National est farouchement hostile à la mise en œuvre du droit de vote des étrangers aux élections locales, puis nationales dont vous êtes les thuriféraires, il s’agit pour vous d’une arme électorale. Vous flattez une population déracinée devenue conquérante, qui vous sert de réserve électorale et qui donne aux libéraux mondialistes de l’UMP le droit de jouir d’une véritable variable d’ajustement pour mieux peser à la baisse sur les salaires des ouvriers français.
Monsieur le Président, votre fausse démocratie participative est plus qu’une arme, c’est une bombe à retardement, dangereuse pour notre paix civile. Votre allié, Édouard Herriot, parlait de démocratie comme d’une fille légère, vous, socialistes du XXIe siècle, vous nous
vantez cette pseudo-démocratie participative en prenant le risque de déstabiliser gravement notre belle unité nationale. Je vous remercie.