Intervention de Christophe Boudot – 15 décembre 2010
Rapport n° 10.05.766
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, chers collègues,
Monsieur le Président, vous nous demandez de nous prononcer sur les nouvelles orientations de la politique régionale agricole et de développement rural. Vous savez l’intérêt que porte mon groupe à la filière agricole française et plus globalement à l’aménagement des espaces ruraux, marqueur essentiel de notre identité française, appuyé sur les territoires façonnés par le labeur des générations courageuses qui nous ont précédés.
Mais le monde agricole, et l’ensemble de la filière, traverse une des plus graves crises de son histoire. Ainsi, en l’espace de deux générations, les ¾ des exploitations agricoles ont disparu et, à chaque disparition, c’est un peu l’âme de nos campagnes que nous oublions
derrière nous, laissant nos territoires en friche, laissant nos villages autrefois prospères à l’abandon.
En 2008, le revenu agricole moyen avait chuté de près de 20 %. En 2009, la chute se monte à 32 %. Processus cumulatif, vous l’aurez compris, c’est l’ensemble du monde rural qui est en danger de mort programmée.
Pourtant, ici, en région Rhône-Alpes, nous bénéficions d’atouts considérables. Un territoire des plus diversifiés, des AOC que le monde nous envie et des savoir-faire qui sont régulièrement imités, voire copiés.
Je reconnais bien volontiers que vous portez un plan régional agricole assez complet et équilibré. Vous poursuivez des axes prioritaires que nous pourrions souvent reprendre à notre compte :
– les politiques d’aide aux filières (CROF, PIDA) sont manifestement bien perçues par les professionnels,
– la politique d’aide à l’installation des jeunes, garants de nos espaces naturels,
– la nécessité de garder un lien fort de proximité entre la production, la transformation et la commercialisation en circuits courts rencontrent l’assentiment des consommateurs toujours plus exigeants sur la qualité des produits, mais désormais beaucoup plus réceptifs à l’offre agricole locale,
– la nécessaire adaptation des pratiques agricoles à un nouveau modèle de développement,
– l’autonomie alimentaire des exploitations,
– le respect de l’environnement qui doit être toutefois compatible avec une nécessaire rentabilité économique des filières et des exploitations,
– la prise en compte de la santé de nos compatriotes par la qualité des produits.
Bref, ce nouveau modèle de développement agricole, ce nouveau modèle d’aménagement du territoire doit être porté et accompagné par notre collectivité, mais à mon sens, la Région Rhône-Alpes doit faire plus, mais elle ne le peut pas. Son budget bien trop limité en la matière lui interdit toute action de véritable envergure. Monsieur le Président, votre politique cumule malheureusement trois handicaps majeurs qui contrarient gravement les effets de vos objectifs prioritaires.
Le premier handicap tient à votre idéologie. Votre majorité et votre sensibilité politique ont toujours porté une logique d’intégration européenne qui, à coups de directives, de quotas en tout genre, d’amendes toujours plus salées, condamne nos exploitations et nos filières à quémander toujours plus de subventions pour survivre.
Cette logique de la PAC que nous combattions à son origine est devenue malheureusement nécessaire à l’équilibre financier des exploitations et constitue plus de la moitié de leurs revenus. Pourtant, vivre de prix rémunérateurs devrait être la seule logique en la matière.
Le deuxième est lié, il tient à votre religion, celle du mondialisme universel, du libre-échangisme le plus libéral et de la disparition des frontières économiques qui offrent nos producteurs à la concurrence mondiale et librement faussée et à l’appétit toujours grandissant des grands groupes de distribution. Nos producteurs, ainsi livrés à une concurrence déloyale, ne peuvent plus assurer la rentabilité et l’avenir de leurs exploitations autrement que par les aides budgétaires européennes.
Le troisième est symptomatique du mal français ; il est le résultat pitoyable des compétences administratives empilées, imbriquées, il tient à la dérive insupportable de nos institutions régionales et en particulier de la Région Rhône-Alpes qui même en période de crise emploie près de 20 % de son budget à des secteurs qui ne sont pas de sa compétence directe et qui “pompent” en l’occurrence près de 500 M€.
L’État s’en accommode fort bien vous me direz et les collectivités territoriales développent à chaque mandature des compétences nouvelles affaiblissant d’autant l’impact budgétaire sur leurs politiques essentielles. On se croirait revenu sous l’Ancien Régime où les structures féodales (seigneuries, baillages, baronnies) aux différents niveaux administratifs imbriqués multipliaient les impôts et accordaient toujours plus de privilèges pour palier à certains sans jamais vraiment déplaire à d’autres.
Votre plan d’action régional est pourtant assez complet, la commission travaille bien ; il vise au final à aider notre agriculture à répondre à ces défis et à valoriser ses atouts. Il met en place, nous ne pouvons que nous en réjouir, une véritable préférence rhônalpine, prélude peut-être à une autre préférence que l’on appellerait nationale. Ce défi nous devons le relever, mais alors, pour se faire, sortons peu à peu de cette logique mondialiste, libre-échangiste, véritable machine à broyer les peuples et à faire disparaître nos terroirs et nos savoir-faire qui restent en France nos seules richesses naturelles.
Nous voterons ce rapport. Je vous remercie.