Budget primitif 2011 (discussion générale)

Intervention de Charles Perrot – 16 décembre 2010

Rapport n° 10.12.765 : discussion générale

Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président,

Dans la droite ligne de vos orientations budgétaires du mois d’octobre et avec le même ton martial donc, vous nous proposez un budget offensif et maîtrisé. Chacun des groupes politiques de notre assemblée va faire sa propre lecture de ce budget, on vient de commencer, va jouer sa propre partition en fonction de ses propres intérêts.

En ce qui nous concerne et vous le savez, notre petite musique est toujours différente. Différente, parce que nous sommes, nous, guidés ni par l’intérêt partisan, ni par une somme d’intérêts particuliers.

Notre seule boussole, celle qui guide nos décisions et oriente nos choix politiques, et c’est bien tout le sens du contrat que nous proposons aux électeurs dans toutes les joutes électorales auxquelles nous nous présentons, c’est le seul intérêt de la France et des Français d’abord, c’est-à-dire ici à Rhône-Alpes le seul intérêt de la région Rhône-Alpes et des Rhônalpins d’abord.

Au seul crible de ce juge de paix et lorsque l’on considère l’état de délabrement de nos institutions, l’état de délabrement de notre économie, l’état de délabrement croissant des conditions de vie de nos concitoyens, l’état de délabrement de l’emploi salarié avec le spectre de la crise qui, vous le reconnaissez vous-mêmes, vous venez encore de le faire, poursuit ses effets dévastateurs, alors nous ne sommes pas sur la même longueur d’onde que vous.

Monsieur le Président, quels jugements concrets portons-nous donc sur votre budget 2011 ?

Je vais peut-être pour quelques instants, mais quelques instants seulement, vous faire plaisir en vous rejoignant dans votre analyse introductive.

Premièrement d’un BP 2010 qui était à 2 448 M€, vous nous proposez donc, c’est inscrit, un BP à 2 411. C’est une première inflexion, modeste 1,5 %, mais c’est une inflexion tout de même ce qui est une chose rarissime dans une collectivité territoriale et, me semble-t-il, jamais vue en région Rhône-Alpes. Ce devait être souligné.

Deuxièmement, y a-t-il comme vous le dites, un contexte contraint pour les finances régionales du fait des choix gouvernementaux avec ce que vous appelez, ce joli mot de contre-réforme territoriale en gestation ? A l’évidence, oui, et le nier serait absurde, vous avez donc raison.

Troisièmement, y a-t-il comme vous le dites, Monsieur le Président, la volonté de réduire la place des Régions et la volonté de revenir sur les conséquences des lois de décentralisation de 1982 (je vous cite) ? A l’évidence, encore oui, Monsieur le Président, et le nier est encore absurde.

Quatrièmement, y a-t-il Monsieur le Président, comme vous le dites, réduction substantielle de l’autonomie fiscale des Régions par le jeu de la réforme de la taxe professionnelle notamment ? A l’évidence, encore oui et oser dire le contraire serait stupide ou sarkoziste, c’est à peu près la même chose.

En revanche, et là où nous différons avec vous, c’est bien sur l’analyse politique, la raison politique de ce constat que nous partageons.

Si l’Etat bride l’autonomie fiscale des Régions, si les dotations de l’Etat ne suivent pas à hauteur des compétences transférées et ne suivront pas dans les années qui viennent, c’est à l’évidence pour trois raisons.

La première tient à la nature même de l’État UMP. Face à des collectivités régionales qui sont toutes, sauf une, en opposition politique et qui affirment d’ailleurs vouloir s’ériger en contre-pouvoirs politiques locaux, l’État UMP siffle la fin de la récréation en appliquant simplement le fameux adage “qui commande paye”, c’est ce qui se passe. Et donc notre collectivité régionale devient finalement une collectivité administrative, une administration un peu déléguée par l’État, contrôlée par l’État.

La deuxième raison tient à la nature même de l’État républicain dont le désir constant, mais je dirais consubstantiel, est de centraliser ou de recentraliser ce qui a pu au fil du temps s’éparpiller ou s’égailler dans la nature. C’est le principe même du fonctionnement de la démocratie française déjà décrit par Charles MAURRAS il y a un siècle. C’est l’illustration par l’exemple que le jacobinisme règne plus que jamais et n’admet pas de contre-pouvoirs.

La troisième raison est triviale. Il n’y a plus de sous dans la caisse, nulle part, à commencer dans les caisses de l’État dont je rappelle que Monsieur FILLON disait il y a trois ans en parlant de l’État, qu’il était “en quasi faillite”. Car la crise continue dans ses effets dévastateurs, il n’y a plus de sous et cette réalité, je le crois, est bien celle qui vous a conduit vous-même à une certaine prudence et d’ailleurs vous l’avez rappelé ce matin, à cette modération modeste que j’ai saluée à l’instant.

Oui, notre pays vit une crise de confiance majeure par peur de l’avenir et chacun le sait, pour soi-même notamment, la peur de l’avenir individuelle ou collective, c’est le refus de l’endettement individuel ou collectif, laquelle vous conduit à baisser l’emprunt de 50 M€ et nous saluons à nouveau ce deuxième effort de modération. J’en termine là avec mon soutien en quelque sorte à ce que vous avez dit et je vais passer maintenant à l’analyse des chiffres, qui de ce point de vue est beaucoup plus cruelle.

Devons-nous nous satisfaire d’un budget régional dans lequel le fonctionnement ponctionne désormais 70 % du fait bien sûr des transferts de compétences, nous sommes d’accord, mais pas que, et donc ce fonctionnement qui ne baisse pas en 2011 par rapport à 2010 ou si peu (vous parlez d’une situation étale), alors que les Régions, rappelons-le, ont été créées au départ pour faire de l’investissement.

L’investissement ne représente donc plus aujourd’hui que 30 % du budget et il baisse en 2011 par rapport à 2010. On dit que c’est effectivement la fin de la construction du Siège qui en est responsable. Devons-nous nous satisfaire de cet état de fait ? Non, Monsieur le Président, nous ne sommes pas satisfaits de cet état de fait. Faut-il se satisfaire de cette situation de fait communément admise qui va presque de soi, de l’obligation récurrente d’emprunter pour équilibrer le budget ? Non, Monsieur le Président, il ne faut pas se satisfaire de cet état de fait, il ne faut pas l’accepter et il faut toujours essayer de faire autrement. Il ne faut pas s’installer dans cette situation-là qui vous oblige à ce genre de procédure.

Faut-il se satisfaire en temps de crise de votre proposition de création de 58 postes supplémentaires au tableau des effectifs de la Région ? Bien sûr que non et là, de ce point de vue, Monsieur le Président, c’est irresponsable. Vous illustrez à merveille ce mot de CLEMENCEAU je crois, mais je ne suis pas sûr : “La France est un pays extrêmement fertile, on y sème des fonctionnaires, il y pousse des impôts”. Un siècle après, rien n’a changé.

Faut-il se satisfaire en temps de crise que 20 % du budget, soit tout de même près de 500 M€, servent au financement de politiques hors compétences centrales régionales ? Le rapport de la Chambre des comptes y fait d’ailleurs allusion en disant : “La Région, même en temps de crise, n’entend pas revenir sur ces politiques”.

Si on n’entend pas en temps de crise réduire la voilure, a fortiori quand cela ira mieux on n’aura aucune envie de la réduire ! Cela veut dire en clair que jamais on ne réduira la voilure sur des compétences qui ne sont pas des compétences centrales régionales. C’est là, Monsieur le Président, que nous marquons notre opposition la plus ferme, la plus déterminée, comme nous l’avions déjà clairement exprimé lors du débat des orientations budgétaires.

En réalité, ce budget est contraint par un ensemble de choses dont on vient de parler, mais il est surtout contraint par vos engagements politiques. Vous êtes tenu par des engagements antérieurs que vous avez pris avec d’autres groupes politiques, avec d’autres personnes de votre entourage et c’est un peu le juste retour de la campagne notamment des dernières élections régionales.

C’est pourtant bien sur ces lignes des politiques hors compétences régionales que l’état de crise vous intimait de réduire les frais de fonctionnement de façon importante, comme d’ailleurs vous le proposent nos amendements, mais vous n’avez rien fait ou si peu. Sans illusion bien sûr sur le sort que vous réserverez à nos amendements, vous comprendrez, Monsieur le Président, que nous voterons résolument contre ce budget.

Je vous remercie.

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