Intervention de Marie Favre – 22 octobre 2010
Rapport 10.15.651
En juillet, malgré notre opposition, une subvention de 2.500.000 € a été accordée sur les 15 millions destinés au dépôt de la candidature d’Annecy aux JO et la propagande qui visait à recueillir l’approbation d’une majorité de Rhône-Alpins…
Comme la CARAVANNE ANNECY 2018 qui a reçu pour mission de collecter des signatures de soutien et qui a en quelque sorte « instrumentaliser » les lycéens, les collégiens à coup de projections, de plaquettes de prestiges et autre distribution de gadgets, objets promotionnels, porte clés, casquettes, stylos, badges… le tout bien sûr fabriqué en Chine.
Les Jeux Olympiques ont une dimension mondiale, non plus seulement par la participation des athlètes de tous pays, de toutes conditions, mais aussi par les spectateurs du monde entier qui profitent de ces jeux devant leur poste de télévision. Nous sommes, nous aussi, attachés à en défendre les valeurs, à travers un sport d’excellence et les efforts de la compétition. Nous sommes fiers de nos athlètes français, de leur esprit sportif et les remercions de l’exemple qu’ils donnent à nos jeunes.
Nous voulons du sport pour tous, partout, à la campagne comme en ville, des équipements étudiés, durables –pour employer un terme qui vous est cher-, dans les écoles et pour les loisirs du plus grand nombre.
Annecy, les départements savoyards et la Région Rhône-Alpes ne sont pas dans une situation financière qui leur permet de présenter sereinement cette candidature aux JO. La crise que nous subissons au niveau économique, social, politique devrait inciter les décideurs de ce projet pharaonique à la prudence.
A l’heure où la précarité dans notre pays est en forte augmentation, où de plus en plus de familles vivent au dessous du seuil de pauvreté, où le chômage s’accroît sans cesse, il est indécent d’envisager ce genre de gaspillages.
Comme je vous l’avais signalé en juillet, Monsieur Rigault, maire d’Annecy affirmait « qu’il ne créerait pas d’impôt JO sur sa ville, que tout serait payé par les collectivités locales ». Mais est-ce que l’argent des collectivités locales ne vient pas directement et totalement de la poche des contribuables ? Vous-même Monsieur le Président, où prendrez-vous l’argent que vous allez distribuer avec tant de largesse ? Et si les impôts n’augmentent pas – ce qui serait étonnant – ces dépenses se feront forcément au détriment d’autres, bien plus utiles au bien de tous.
Les choses ont fortement changé depuis l’origine des jeux olympiques et même depuis 1894, date à laquelle le CIO fut fondé. Il était à l’époque un organisme à but non lucratif qui avait pour tâche d’organiser et de veiller au bon déroulement des jeux et l’application des règles.
Aujourd’hui, une course effrénée aux profits est lancée. Toujours et toujours plus d’exigences pour plus de profits. Le CIO répartit des accords de parrainage entre des partenaires dits « officiels ». Certains ont des droits de « fournisseurs », d’autres obtiennent des licences. On parle d’exclusivité, de droits spécifiques. Malheureusement, dans la plupart des cas, les partenaires sont de grandes compagnies multinationales qui « s’en mettent plein les poches ».
Alors qu’Annecy n’est pas prête à accueillir ces jeux, que le dossier a été monté sans réelle réflexion sur les coûts et les financements, pourquoi croyez-vous que le CIO l’ait maintenue candidate ? lui ait demandé de revoir sa copie, de refaire des études, de modifier ses plans, ses sites et ses équipements ? Il y a fort à parier que la manne que lui apporte les candidats, quels qu’ils soient, à chaque étape de l’avancement de ce projet pharaonique, ait été décisive.
Nous nous étions, il y a quelques mois, interrogés sur la position que la Région adopterait quand viendrait le moment de financer les équipements sportifs et les infrastructures. Le dossier que vous nous présentez aujourd’hui nous en donne un triste aperçu : 333.000.000 d’euros pour les équipements sportifs, 480.000.000 pour les infrastructures ferroviaires, avec une participation régionale de 50 et de 169 millions d’euros. Combien pour les infrastructures routières ? Pour la mise au norme, la sécurisation des sites existants. Quelle somme sera budgétée pour la reconversion des infrastructures olympiques ? Aucun chiffre n’est avancé.
Quant on sait que pour la seule pré candidature le budget a été dépassé de 40 %, on peut se demander quel sera le coût final et surtout les conséquences désastreuses pour les finances locales, mais aussi pour l’environnement ?
Peut-on revenir un instant sur l’expérience que nous ont enseignée les jeux de Grenoble et d’Albertville ? Les Grenoblois ont payés leurs jeux olympiques durant 27 ans et leurs impôts ont été multipliés par 2,4. Le développement de Grenoble date des années 50 à 60, et on a pu constater que les fleurons de l’économie grenobloise ont marqué un temps d’arrêt après les JO, faute de commande publique. En 92, à Albertville où Michel Barnier avait pourtant promis l’équilibre financier le déficit s’est monté à 115 millions d’euros.
Comme je vous l’ai dit en juillet, toutes les communes pressenties pour accueillir les épreuves olympiques s’étaient endettées et les Savoyards ont assisté à un brusque arrêt de la commande publique et les emplois stables ont régressé.
La chambre régionale de la cour des comptes avait fait deux rapports catastrophistes sur les JO d’Albertville demandant de limiter l’investissement et de contenir les frais de fonctionnement permettant juste l’entretien de ce qui existait alors. Elle incitait également à une hausse conséquente des taux de la fiscalité locale. Monsieur Delcroix de la Chambre de Commerce de Chambéry disait : « l’évènement était trop grand pour la Savoie et ses PME, qui n’ont pas pu profiter des bénéfices directs des retombées »
Les artisans locaux, à qui on proposait une charge de travail conséquente sur un court laps de temps ont investi dans la perspective de voir leur entreprise grandir mais n’ont pas pu rentabiliser leurs investissements. Ils se sont endettés pour rien et nombreux sont ceux qui ont fait faillite.
Quant aux retombées en 2018, elles sont aussi très incertaines. Je reviens sur Grenoble où 1.000.000 d’entrées payantes furent attendues pour les épreuves sportives, 503.700 furent vendues dont une grande partie au rabais dès la 2e semaine, vu le manque d’affluence. Le règlement du CIO stipule d’ailleurs que si bénéfices il y a, ils reviennent au CIO. En cas de déficit, celui-ci incombe aux organisateurs et évidemment, après les JO, les structures sont à la charge des communes.
Vous vous défiez de la prochaine réforme territoriale qui mettra en danger les finances locales. A l’heure où vous déplorez le désengagement de l’Etat et les difficultés financières que cela engendrera, est-il sage d’engager la Région dans ces dépenses inconsidérées ? Nous ne le croyons pas. Des contraintes budgétaires seront alors nécessaires, sur quoi allez-vous les faire peser ?
On peut lire dans votre rapport que l’organisation de ces jeux se traduira par la réalisation d’une nouvelle génération d’équipements sportifs dont le montant est estimé aujourd’hui à 333 millions d’euros et que leur reconversion après les jeux est assurée.
La patinoire d’Annecy le vieux (55 millions d’euros) prévue pour accueillir les épreuves de patinage artistique deviendra alors une halle multisports destinés aux étudiants de l’université. Sera-t-elle rentable ou bien affichera-t-elle au bout de quelques années, comme la halle olympique d’Albertville, un déficit de 300.OOO € chaque année ?
Nous ne pouvons pas cautionner ces investissements financiers excessifs et inadaptés d’autant plus que le dossier a été monté sans concertation avec les populations.
Diverses manifestations ont eu lieu à Annecy et dans le pays du Mont-Blanc qui visaient à la défense du monde agricole, à la protection de la plaine et du pays du Mont-Blanc, au maintien de l’agriculture. Les citoyens des zones concernées veulent à tout prix préserver leur environnement, empêcher le bétonnage prévu et la destruction irréversible des terres agricoles.
Les 2 syndicats agricoles, la FDSEA et la Confédération Paysanne, ont fermement pris position sur la défense du foncier agricole face au projet des JO et appelaient à une manifestation le 25 septembre dernier ; la prochaine est prévue en novembre.
M. le Président, ne faites pas la sourde oreille comme Monsieur Sarkozy. Écoutez tous ceux qui descendent dans la rue pour manifester leur mécontentement et leurs objections.
De nombreuses exploitations agricoles seraient fortement impactées dans la plaine de Passy. Dans le sud du département, la communauté de commune d’Annecy a pour projet la création d’une ZAC sur les communes de Seynod et Montagny les Lanches : logements sociaux, nouvelles zones commerciales, mais aussi complexes hôteliers pour satisfaire aux exigences du CIO. La C2A s’appropriera aux portes d’Annecy, 180 ha de terre agricole, en expropriant les agriculteurs.
Les Savoies sont une région touristique de premier ordre et chacun s’en félicite. La Haute-Savoie est le deuxième département touristique de France en nombre de nuitées vendues. Ceci grâce au fait que notre département bénéficie de deux saisons touristiques, celle d’été avec nos lacs et les montagnes, et celle d’hiver avec les sports de neige. Il suffit de prendre les axes routiers autour des lacs en été, ou l’accès aux stations en hiver, pour s’en rendre compte.
De plus le Mont-Blanc (plus haut sommet d’Europe) se suffit à lui même pour attirer une clientèle internationale. Chamonix-Mont-Blanc est connu dans le monde entier, et c’est un déplacement incontournable pour des étrangers qui visitent l’Europe.
La Haute-Savoie n’a donc pas besoin de la publicité des JO pour se faire connaître. Les JO n’apporteront que du béton, et des dettes à perte de vue.
Le seul point négatif est le logement des saisonniers qui laisse fortement à désirer mais ce problème, avec un peu de bonne volonté, pourrait être réglé à moindre coût.
Quant aux améliorations de liaisons ferroviaires entre les différents sites et villes d’accueil de ces Jeux olympiques, elles pourraient être souhaitables ; certaines nécessaires et même urgentes surtout depuis la mise en place du service cadencé. En effet, les infrastructures manquant d’entretien, n’ont pas été préparées pour cet accroissement de circulation. Le cadencement dans ces conditions était sans doute prématuré. On comprend que les améliorations proposées concernent principalement des infrastructures. Le coût en première appréciation et hors opérations en cours atteindrait 168.920.000 € ce qui est énorme dans le budget Régional. On sait que les investissements sont de la responsabilité de l’Etat. Or l’expérience a montré que plus la Région s’engage et plus l’Etat se désengage ! Si nous engagions ces dépenses la Région serait obligée d’augmenter encore les impôts sans que l’Etat ne diminue les siens ! Nous ne voulons pas aggraver ce déséquilibre.
Vous l’avez compris, nous ne vous soutiendrons pas dans votre engagement à la réussite des jeux car cette contribution à façonner l’image de notre montagne n’est pas la bonne.
Annecy, en définitive, ne sera probablement pas retenue et c’est très bien ainsi, mais que d’argent gaspillé et que de temps perdu.