Intervention de Dominique Martin – 27 mai 2010
Rapport n° 10.04.306
Monsieur le Président, mes chers collègues,
Deux phrases m’ont marqué dans l’exposé de vos motifs.
L’une est en bas de page 3 du rapport, je cite : « Nous lancerons à partir du mois de mai – il est déjà bien entamé – des groupes de travail qui nous permettront d’approfondir la concertation, de faire le bilan des mesures et dispositifs en place, de mesurer leur efficacité, d’identifier les améliorations à apporter et de lancer une nouvelle dynamique ».
L’autre est haut de page 4, je cite : « Ces mesures ne sont qu’une première étape, elles sont le signe d’un engagement fort de la Région qui doit permettre de donner confiance à toutes et à tous ».
Autrement dit, alors que vous entamez votre septième année de présidence, un sacré bail quand même, vous ne savez toujours pas quoi faire. Vous en êtes encore au bilan, aux évaluations, aux expérimentations, mais, et c’est la nouveauté de 2010, vous ajoutez à cette incapacité chronique la méthode Coué : « Rhônalpins, n’ayez pas peur, faites-moi confiance », pourriez-vous nous dire.
Très sincèrement, Monsieur le Président, je crains que ce soit insuffisant par les temps qui courent. Vous ne savez pas quoi faire car vous prenez le problème par le petit bout de la lorgnette : plutôt que de vous attaquer aux causes, vous essayez sans succès encore et toujours de traiter les effets. J’ose à peine vous le rappeler, mais des dysfonctionnements similaires à ceux de l’Éducation Nationale se retrouvent en matière de formation.
La formation professionnelle et la formation continue sont trop souvent utilisées comme des outils de traitement de problèmes sociaux pour les personnes en difficulté et non comme un dispositif d’acquisition et de valorisation des compétences.
Le constat, Monsieur Mérieu, est certes amer, mais la formation est devenue un dispositif de plus pour gérer l’échec de l’Éducation Nationale et les effets collatéraux de l’immigration. A l’échelon national, on sait que l’ensemble des dépenses consacrées à la formation professionnelle et à l’apprentissage représente près de 23 milliards d’euros, dont plus de 40 % sont financés directement par les entreprises.
Les entreprises étant soucieuses de leur investissement, on peut imaginer que leurs seuls investissements suffiraient à financer une formation professionnelle performante, le reste étant du gaspillage. Véritable usine à gaz, et vous l’avez dit lors de notre dernière commission de la semaine dernière, la formation professionnelle connaît une quadruple dérive :
- Elle génère des financements colossaux à l’utilisation opaque et mal contrôlée,
- C’est presque vos mots, elle pâtit d’un faible accès des salariés aux formations,
- Elle débouche rarement sur un emploi stable et durable,
- Elle persiste à offrir des formations en inadéquation avec les besoins réels du monde économique.
Quant à l’apprentissage, victime de la dépréciation du travail manuel et du prolongement de la scolarité, il est souvent perçu par l’entreprise comme une charge supplémentaire.
Le choix du maître d’apprentissage, la revalorisation des métiers et le retour à une logique de liberté concernant un financement qui devrait profiter aux entreprises, surtout les petites, les moyennes et les très petites constitueraient des axes de progrès.
Monsieur le Président, chers collègues, aujourd’hui, après deux années d’inutiles de concertations tous azimuts, vous nous proposez de mettre en place des mesures du Service Public Régional de la Formation, veuillez excuser mon immodestie, mais par avance je peux vous affirmer que cela ne changera rien à l’affaire et, ce, pour deux raisons majeures.
D’abord, les mêmes partenaires, les mêmes dispositifs et les mêmes outils sont maintenus et conservés en l’état. On retrouve pêle-mêle le PRAO, les structures AIO, les CTEF avec le PRDF et les CTF et tout cela en lien, mais en lien resserré, nous assure-t-on, avec les services de l’État et le Pôle Emploi.
Ensuite, et vous le dites souvent, l’État continuera à réduire les transferts de crédits nécessaires, comme il le fait depuis 1983, il nous a transféré le programme TRACE, pour mémoire Trajectoire d’ACcès à l’Emploi. Pour faire bonne mesure, vous n’oubliez pas d’ajouter dans votre cocktail un zest de lutte contre les discriminations, un zest d’égalité hommes/femmes, un cocktail évidemment destiné en priorité aux jeunes bénéficiant déjà de toutes les largesses de la sacro-sainte politique de la ville, plus un zest de développement durable pour amadouer vos terribles alliés les Verts.
Monsieur le Président, chers collègues, cessons enfin de suivre ces impasses, l’unique et la seule solution passe par l’entreprise car elle seule crée de l’emploi et elle seule transfert les savoir-faire, tout en restant à la pointe de la technologie. Prendre un apprenti ou un adulte en formation a un coût pour l’entreprise : le salaire du maître d’apprentissage, le salaire du stagiaire, l’immobilisation du poste de travail, des outils, la matière, la médecine du travail et l’inévitable paperasserie puisque nous sommes en France.
Que le maître de stage soit rémunéré par la collectivité comme l’est l’enseignement par l’Éducation Nationale, que l’entreprise soit aidée également par la collectivité comme cette dernière participe au fonctionnement et à l’investissement de l’Éducation Nationale et vous verrez que les PMI, PME et TPE prendront des stagiaires en masse. Cela aurait en outre l’avantage de sauver l’emploi des seniors, ainsi valorisés par cette belle mission de transmettre leur savoir-faire, fruit d’une vie de travail.
Monsieur le Président, chers collègues, je conclus, malheureusement vous n’êtes idéologiquement pas prêts à ce revirement pratique, qui devrait placer l’entreprise au centre de tous les dispositifs de transmission des savoir-faire. C’est la raison pour laquelle, sans surprise, nous n’accepterons pas de cautionner cet énième piège à gogo. Je vous remercie de votre attention.