Intervention d’Hugues Petit – 2 décembre 2009
Rapport n° 09.12.778
Chers collègues,
Si je devais d’une phrase définir le budget qui nous est proposé, je serais tenté de dire qu’il se résume par ces mots : c’est la faute des autres.
Et d’ailleurs, je dirai que c’est un travers assez caractéristique des socialistes, toujours mettre en cause les autres, ne jamais reconnaître ses erreurs.
Monsieur le Président, puisque vous êtes là aujourd’hui, je tiens à vous rappeler que vous aviez porté une accusation très grave contre notre président de groupe en disant qu’il avait tenu des propos clairement négationnistes alors que la Cour de cassation a jugé (vous n’ignorez pas que c’est la juridiction suprême de notre pays) que cette accusation n’était absolument pas fondée. Nous attendons toujours sinon votre repentance au moins vos regrets.
Mais revenons au budget. Pourquoi ai-je fait cette incursion dans l’affaire Gollnisch ? Parce que votre philosophie, votre psychologie est toujours la même. Quand on lit votre budget, c’est la faute des autres, ce n’est jamais évidemment votre propre responsabilité.
Vous énumérez par exemple au début du rapport les objectifs qui étaient les vôtres, je vous en donne acte, c’est de circonstance, vous avez lutté avec efficacité contre le réchauffement climatique. Hier soir encore, je ne savais pas si je pouvais venir ici tant les chutes de neige sont de plus en plus importantes là où j’habite.
Mais ceci mis à part, quel était votre objectif numéro un ?
Vous avez presque le culot de l’écrire : un emploi pour tous. Or, vous écrivez quelques lignes plus loin que le chômage a augmenté. Là encore, vous nous direz que c’est la faute des autres. C’est toujours la faute des autres.
Vous inaugurez une nouvelle formule maintenant, c’est la faute des autres par anticipation. La faute des autres parce qu’on va supprimer la taxe professionnelle mais n’était-ce pas M. Mitterand qui disait que c’était un impôt imbécile ? Et vous voulez donc conserver cet impôt imbécile ?
Peut-être aurait-il fallu le changer. Vous avez été au pouvoir pendant des années, vous-même avez été ministre de l’Intérieur, ce n’est pas rien, pourquoi n’avez-vous pas modifié cet impôt ?
Nous le disons carrément, cet impôt est imbécile, il faut le supprimer, nous nous réjouissons qu’on le supprime. D’ailleurs, avec quelque immodestie, nous pensons que nous avons notre part dans la suppression de cet impôt.
Rappelez-vous quand le préfet est venu, notre collègue Perrot avec une certaine vigueur lui a dit que si l’on voulait faire du bien aux entreprises, il y avait une chose à faire, c’était supprimer la taxe professionnelle. Quinze jours plus tard, il était entendu par le président qui en annonçait la disparition.
Vous ajoutez, et vous avez raison sur le fond, que ces réformes qui se multiplient en matière fiscale ont pour effet de nous faire perdre notre autonomie financière. Mais la faute à qui ? Nous sommes plus que peut-être personne dans cette Assemblée favorables à l’autonomie financière des Régions, à condition que les Régions restent dans les clous normaux de la fiscalité.
Votre bilan en six ans :
– fiscalité directe : +41 % en produits
– fiscalité indirecte : +50 % en produits
– Cartes grises : presque 54 % d’augmentation en six ans
Et vous nous dites dans votre rapport que ces réformes auront un effet calamiteux, je cite : « elles vont nous obliger à réduire drastiquement nos dépenses de fonctionnement ». Nous disons tant mieux. S’il fallait cela pour en arriver à ces économies, tant mieux, c’est regrettable mais, à tout prendre, cela vaut quand même mieux.
Encore une fois, vous mettez en cause le transfert de compétences. Je dirai les choses de la façon la plus simple : sans doute, dans cette affaire, l’État, comme dans tous les autres cas, y compris quand vous étiez aux affaires, a volé les collectivités locales. Mais, globalement, vous le reconnaissez vous-même, ce sont quelques dizaines de millions d’euros par an.
Or, vous reconnaissez que la Région intervient globalement pour 15 % en dehors de ses compétences : 15 % de 2,442 Md€, cela fait 366 M€. Autrement dit, vous avez un rapport pratiquement de 1 à 10 entre ce qui vous manque de la part de l’État et ce que rien ne vous oblige à faire.
Et encore, ce sont vos chiffres que je conteste formellement. Il ne suffit pas de dire « nous avons des actions hors compétences parce que telle politique est hors compétences », encore faudrait-il regarder budget par budget les lignes qui sont hors compétences.
Par exemple, nous sommes compétents pour construire des lycées mais nous ne sommes pas compétents pour payer des opérations pédagogiques dans les lycées. Il faudrait le faire ligne par ligne, je l’ai demandé maintes fois en commission des finances, cela m’a toujours été refusé et pour cause.
Les questions qui se posent, c’est de savoir pourquoi dans cette Région, comme dans les autres, quels que soient les hommes politiques en place, de gauche ou de la prétendue droite, la droite électorale au pouvoir (c’est à la veille des élections qu’elle redécouvre l’insécurité, l’identité nationale, la fiscalité, l’immigration, etc.), c’est la même politique, et même parfois la droite, c’est pire que la gauche. Vous, Monsieur Queyranne, 41 % en six ans. M. Millon : 60 % en six heures !
Il y a dans cette Assemblée un certain nombre de personnes qui ont voté cette augmentation calamiteuse et je rappelle qu’à l’époque il ne s’est trouvé ni au RPR ni à l’UDF quiconque pour s’élever contre cette augmentation.
Quel est alors le fond du problème ? C’est que les uns et les autres vous ne gérez pas la Région, vous gérez votre réélection, ce qui est complètement différent, et il est très difficile de gérer cette réélection car il y a un divorce profond entre vous et le peuple, comme on l’a vu récemment chez nos voisins helvètes où tous les partis politiques étaient contre un certain référendum qui a été adopté à 57 % ou 58 %, comme nous l’avons vu pour le traité de Lisbonne, etc.
Vous savez que, globalement, les gens votent pour vous mais qu’il n’y a pas vraiment d’adhésion, et donc il faut au jour le jour que vous achetiez ces votes puisque vous n’avez pas l’adhésion profonde. Ceci est très choquant. Personnellement, je vous ferai un aveu puisque je n’aurai plus beaucoup l’occasion de m’adresser ici : quand je suis arrivé dans cet hémicycle, je n’étais pas un démocrate fanatique mais je croyais naïvement (il y avait encore un peu de naïveté chez moi) que, dans les autres groupes politiques, il y avait des démocrates sincères.
Qu’ai-je découvert pendant des années ? Finalement, les seuls démocrates de cet hémicycle, c’était nous. Écoutez-moi avant de rire bêtement !
Nous trouvons normal qu’il y ait des communistes dans cette Assemblée, il existe encore un certain nombre de Français qui croient que le communisme peut faire le paradis sur terre. Il faut une dose de crédulité mais il y en a encore, il est normal qu’ils soient représentés.
Des gens croient Besancenot quand il dit qu’en supprimant les banquiers et les chefs d’entreprise, on augmentera le pouvoir d’achat. Il faut être naïf, mais ils le croient. Il y a même des gens qui croient que l’UMP est un parti de droite, il faut être naïf.
Il est donc normal que ces gens-là soient représentés alors que tous, dans tous vos partis, si en signant un papier, vous pouviez nous faire quitter cet hémicycle, vous le feriez tous. Où sont les démocrates ?
Plus gravement encore, ce n’est pas seulement la représentation dans les assemblées mais l’action dans les assemblées. Monsieur Queyranne, vous avez pris des engagements devant les Rhônalpins et vous savez très bien que vous ne les avez pas tenus. Ce qui est plus grave, c’est que vous saviez que vous ne les tiendriez pas car, quand vous dites aux Rhônalpins que vous n’augmenterez pas les impôts à compétences égales, alors que vous savez très bien qu’il y aura des transferts de compétences, cela veut dire : « J’augmenterai les impôts ». Mais les Rhônalpins n’ont écouté que le début de votre phrase et, je le dis solennellement, c’est se moquer du monde.
Vous auriez très bien pu, même avec les transferts de compétences, ne pas augmenter les impôts. Encore aurait-il fallu réaliser des économies en vous tenant aux compétences de notre Région. Comme il n’y a pas cette adhésion profonde entre vous et vos électeurs, vous en êtes réduits, les uns et les autres de la prétendue droite ou de la gauche, à acheter jour après jour le suffrage des Rhônalpins comme cela se faisait déjà à Rome où les praticiens achetaient jour après jour les suffrages de plébéiens de manière à se maintenir au pouvoir, et finalement c’était toujours les mêmes familles qui gouvernaient.
Concrètement, que faites-vous ? Vous multipliez les subventions. On arrose les départements, les communes, y compris des départements riches, y compris des communes riches. Vous arrosez et, pour bien le rappeler le moment venu à tous ces petits maires à qui vous avez donné un peu d’argent, vous les faites venir à la journée des maires, vous leur faites de beaux discours, vous leur faites manger de bons sandwichs et boire de bonnes boissons, tout cela d’ailleurs avec leur bel argent.
Vous faites pareil pour les boursiers. Vous les avez multipliés mais également vous avez créé l’association des anciens boursiers, la journée des boursiers pour rappeler tout ce que vous faites pour tous ces gens-là.
Vous avez arrosé les associations. Vous jouiez sur du velours, les associations sont à 90 % à gauche ou à l’extrême gauche.
Je lis dans la presse que l’UMP présentera un contre-budget, nous proposera de faire des économies, de même que vous, en fin de mandat, vous découvrez qu’il ne faut plus augmenter les impôts. Cela m’inspire une réflexion : la fin des mandatures est aux politiciens ce que la fin de vie est pour les femmes légères l’occasion de se refaire une virginité.
(Hugues Petit était Conseiller régional jusqu’en 2010, réd.)