Intervention de Charles Perrot – 22 octobre 2009
Qu’ajouter de plus sur ce sujet qui n’ait déjà été dit ? Ce temps est passé de dire ce que l’on pense en bien ou en mal de la mise en œuvre des mesures de votre plan de soutien, nous l’avons largement dit en son temps, nous n’y reviendrons pas. Mais ce temps qui passe vous contraint habilement à dire que ce plan est pour préparer la sortie de crise. Bien sûr, il fallait y penser.
Mais il fallait y penser car une crise économique ne dure qu’un temps, tous les analystes de ces phénomènes le savent parfaitement bien. Il est quand même utile de se pencher sur les quarante dernières années.
Depuis le premier choc pétrolier de 1973-1974, première crise majeure qui mettait fin aux 30 Glorieuses, nous en sommes à la sixième crise, soit une crise tous les 6-8 ans (pour mémoire : 1973, 1979, 1987, 1993-1994, 2001 et 2008). La durée d’une crise est de 18 à 24 mois. Cela a toujours été ainsi.
Nous sommes donc bien là en octobre 2009 en fin de cycle de cette sixième crise, même si quelques répliques peuvent encore faire durer le plaisir comme les nuages d’un ciel de traîne après les orages de fin d’été.
Monsieur le Président, je voudrais en appeler à la modestie de chacun de nos collègues. Qui est capable objectivement aujourd’hui et sans parti pris si cela était possible, de dire si ce plan de soutien aura été vraiment inutile ou vraiment utile ? A-t-il été efficace ou pas ? A-t-il été suffisant ou non dans l’accompagnement et le soutien à l’économie et l’emploi en Rhône-Alpes ? Qui est capable de répondre objectivement à cette question ? Personne.
Lorsque les derniers nuages de cette crise se seront dissipés, la crise étant consommée, la santé des banques recouvrée – je veux d’ailleurs noter au passage, et nous pouvons tous le remarquer, avec quel empressement et quelle rapidité les banques se mettent à rembourser les prêts de l’État qu’elles ont obtenus il y a 6-8 mois à peine pour des milliards d’euros, ce qui devrait faire réfléchir -, lorsque tout cela sera soldé, tout recommencera comme avant.
Tout recommencera, mais pourquoi ? Parce que l’âpreté au gain des requins de la finance est toujours la plus forte. Ces requins qui ont prêté au-delà de toute raison à des débiteurs fragiles qui se révélèrent insolvables et qui recommenceront demain – ils ont du reste déjà recommencé – et qui ont enrobé leurs créances irrécouvrables dans de superbes emballages tape-à-l’œil qu’ils ont appelés « titrisation ». Et ils on refilé le mistigri de leurs créances pourries, toxiques, à nos banquiers européens qui n’y ont vu que du bleu.
Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Les gouvernements européens, quelle que soit leur couleur politique, ne changeant rien à leur credo mondialiste et ultralibéral, la sarabande va continuer, amplifiée par ce risque systémique dévastateur que nous avons tous pu observer ces derniers mois.
Ce risque systémique, cet effet systémique, la voilà bien la seule nouveauté de cette sixième crise car ce risque systémique, véritable phylloxéra bancaire, n’a été rendu possible que par la conjonction de deux phénomènes : la porosité des marchés financiers voulue par la cupidité des hommes alliée à l’ouverture totale des frontières, de toutes les frontières, voulue par les responsables politiques que vous êtes tous, mués en ayatollah de la mondialisation débridée.
Nous avions pourtant été prévenus de ces risques. Des économistes dès le XIXe siècle nous l’avaient dit. Le français Clément Juglar, étant l’un des plus fameux, avait déjà posé le diagnostic formel. Il écrivit en 1860 : “La pratique du crédit par l’abus que l’on est porté à en faire amène aux crises économiques.” Du moins au XIXe siècle le phylloxéra libéral-socialiste n’avait pas encore eu le temps de détruire les protections naturelles que les États nations avaient patiemment édifiées depuis des siècles.
Plus près de nous, et nous sommes fiers de faire référence au seul prix Nobel d’économie français, Maurice Allais, qui écrivit dans Le Monde du 28 juin 1989 : “Toutes les grandes crises des XIXe et XXe siècles ont résulté du développement excessif du crédit.
Aujourd’hui, l’économie mondiale tout entière repose sur de gigantesques pyramides de dettes, prenant appui les unes sur les autres. Le monde est devenu un gigantesque casino où les tables de jeu sont réparties sur toutes les longitudes et toutes les latitudes.”
Monsieur Allais concluait : “Il n’existe aucun exemple par le passé où un développement aussi inconsidéré du crédit et de l’endettement n’ait pas finalement conduit à des difficultés majeures.”
Vous nous avez conduits dans cette situation, c’est évident, vous ne pouvez pas le nier.
Monsieur le Président, nous sommes là face à ces difficultés majeures. Elles sont là, mais nous savons bien, en économie comme en politique, que les majorités préfèrent écouter les histrions, les charlatans, les bateleurs et les frimeurs, Jacques Bainville le répétait, “la chimère a toujours été plus séduisante que les calculs des sages.” Alors ce qui doit arriver arrive.
Depuis 40 ans, les peuples d’Europe ont élu à gauche et à droite des adeptes du cosmopolitisme et de la mondialisation à tout crin, maintenant nous devons régler l’addition.
Je vous remercie.