Intervention de Maurice Faurobert – 29 mai 2008
Rapport n° 08.06.356
Mesdames, Messieurs, chers collègues,
Cette convention Grand Chantier pose d’abord la question du Lyon-Turin lui-même, et de savoir si sa nécessité a été vraiment démontrée.
Au niveau du trafic voyageurs entre les deux villes, on n’en parle pas, car encore aujourd’hui on a des difficultés à maintenir quatre allers-retours par semaine par autocar, avec un taux moyen de remplissage de 45 %. Le trafic marchandises à travers les Alpes, lui, a légèrement progressé, mais dans le sens Nord-Sud. De plus, il est absorbé par les tunnels suisses, dont la capacité sera démultipliée par la mise en service des tunnels du Bözberg et du Saint-Gothard.
Le trafic Est-Ouest, compté aux tunnels du Mont-Blanc et/ou Fréjus, reste stationnaire. De plus, les comptages comparés de 2005 à 2007 montrent une marge de capacité très importante. En effet, on a compté en septembre 2005 pour Fréjus, un pic de passage de 4500 poids lourds/jour, soit le double par rapport à la moyenne des passages en 2007.
Les nécessités actuelles et prévisionnelles –même si à chaque nouvelle étude on s’applique à augmenter les chiffres–, ne justifient pas ce projet démesuré. Le discours officiel voudrait faire admettre que c’est le trafic Espagne, Italie, Europe centrale et son développement futur qui nécessiteraient cette nouvelle ligne Lyon-Turin et ses 54 kilomètres de tunnel. Mais, quand on considère la géographie entre Barcelone et Turin, on remarque que la jonction la plus directe est maritime sur 9/10e du trajet, et que de Gênes pour joindre Turin ou Milan, on traverse de la moyenne montagne et des plaines déjà équipées de chemins de fer. Certes, il y a une rupture de charge, mais pas plus pénalisante –peut-être moins– qu’un chargement de camions sur des wagons de chemin de fer.
En revanche, pour emprunter le tunnel projeté, il faudrait depuis l’Espagne, faire le tour du Golfe du Lion, remonter la vallée du Rhône jusqu’à Saint-Exupéry, et redescendre en latitude pour prendre la vallée de la Maurienne après avoir traversé, par deux nouveaux tunnels à percer, les massifs de Chartreuse et de Belledonne. On se demandera toujours : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Mais par là, on voit que les derniers arguments avancés en faveur du Lyon-Turin : économie d’énergie, respect de l’environnement, diminution des coûts externes et sécurité sont réduits à néant par l’augmentation de ces mêmes inconvénients en vallée du Rhône qui résulteraient de l’acheminement du fret espagnol ou autres, sans parler de l’augmentation des accidents particulièrement graves et fréquents. De plus, on nous ment sur le fret ferroviaire qui restera toujours très marginal.
Par ailleurs, on parle du difficile financement de l’opération, mais pas de sa rentabilité. Il faut rappeler que le coût estimé en 1995 était de 5,3 milliards d’€uros, de 11,2 milliards en 2001, de 13,8 milliards en 2002, et que les experts avancent aujourd’hui le chiffre de 15 milliards. Avouez que cette évolution n’est pas très rassurante ! Or, à ce jour, personne n’a contredit le rapport d’audit du Conseil général des Ponts et Chaussées et de l’Inspection des finances qui a conclu sur le chiffre de 3 % de rentabilité socio-économique dans le meilleur des cas, alors qu’il faut 8 % minimum, selon le Commissariat au Plan, pour garantir une viabilité à long terme.
Croyez-vous qu’aujourd’hui les Rhônalpins, au moment où leur pouvoir d’achat diminue chaque mois davantage, sont d’accord pour une telle aventure ? Non. Si le financement de l’opération est si hasardeux, c’est que le projet est aujourd’hui utopique et notre analyse réaliste. Il serait plus utile et évident de faire la liaison à grand gabarit Rhin-Rhône/Saône ou le contournement Ouest de Lyon.
Dans ce contexte, votre convention Grand Chantier a-t-elle encore un sens ? Son objectif est d’emblée annoncé : favoriser l’insertion, un mot très commode dans notre société qui a beaucoup besoin d’insertion. « L’insertion des entreprises et des personnels extérieurs », on imagine facilement que pour un grand chantier les ressources locales ne suffisent pas, même en favorisant leur expansion, et qu’il sera nécessaire de recourir à des entreprises régionales, voire nationales. Mais, comme on voit les chalets construits en Chartreuse par des entreprises polonaises, avec du personnel polonais et du bois polonais, il est à craindre que l’essentiel du chantier ne soit enlevé aux entreprises françaises par des entreprises extérieures justement. Aussi, il faudra appliquer la nouvelle notion d’immigration choisie et choisir des migrants français de France avec regroupement familial indemnisé.
En ce qui concerne la formation des personnels, le Front National le dit à chaque occasion, il revient aux entreprises de former leurs personnels pour obtenir compétence et stabilité. Elles doivent retrouver les moyens de le faire et, pour cela, nous devons –vous devez–, leur obtenir des allégements de charges et des réductions de taxes.
Sans ces nouvelles orientations de fond, cette convention n’est que compromission avec les objectifs euromondialistes –manifestés dans ce projet– du Gouvernement, et ne servent en rien les intérêts des Rhônalpins.
Nous voterons contre cette convention, et je vous remercie de votre attention.